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2019 en pointillé : gratuité de l’enseignement, affaires louches, décrispation politique, fraude électorale et corruption…

2019 appartient désormais au passé. Depuis trois jours, nous sommes entrés dans la nouvelle décennie qu’inaugure 2020. Mais nous ne pouvons entamer la nouvelle année Lisapo.info sans rappeler quelques évènements politiques qui ont marqué l’année 2019 en République démocratique du Congo.

Quand 2019 s’est annoncée, 2018 venait de se terminer par la tenue des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales. Des élections marquées par de forts soupçons de tripatouillage de la part de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) dirigée de main de maître (?) par Corneille Nangaa. L’utilisation de la machine à voter, le report des élections à Beni ville, Beni territoire et Butembo dans le Nord-Kivu pour cause de maladie à virus ebola et dans le territoire de Yumbi dans le Mai-Ndombe pour cause d’insécurité, ont donné un arrière-goût de chausse-trappe à ces élections du 30 décembre 2018. 

Mais qu’à cela ne tienne. Alors que les centres de compilation des résultats en étaient encore à se mettre en place, Corneille Nangaa et son équipe publient, dans la nuit du 09 au 10 janvier 2019, les résultats près de deux semaines après le scrutin. A la présidentielle, c’est Félix Tshisekedi qui est proclamé élu avec 38,57% des suffrages exprimés, tandis que Martin Fayulu, candidat de la coalition Lamuka est crédité de 34,8% et Emmanuel Ramazani Shadary, candidat du FCC, obtient 23,8% des voix.

Aux législatives, c’est l’imbroglio la plus totale. Des députés nationaux déclarés élus ne le sont peut-être pas. Le contentieux électoral sera des plus laborieux. La Cour constitutionnelle qui ne devait disposer que de soixante jours pour proclamer les résultats définitifs pour les législatives nationales va aller largement au-delà du temps lui imparti. Les neuf juges de la Cour se retrouvent avec près de 2000 dossiers à traiter. L’imbroglio s’installe vite. 

Des députés nationaux déclarés élus par la CENI sont débarqués par la Cour constitutionnelle. Au nom de la procédure de « correction des erreurs matérielles », la cour est obligée, à plusieurs reprises de revenir sur ses propres décisions, revalidant des députés déclarés élus par la CENI et invalidés par elle.

C’est à un véritable casse-tête chinois que l’on va assister. Même le traitement du contentieux de l’élection présidentielle donnera un arrière-goût d’inachevé. Martin Fayulu qui revendique la victoire est débouté par la cour qui confirme la victoire de Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. 

Alors que la cour constitutionnelle n’en finissait pas de se décrédibiliser avec ses corrections des « erreurs matérielles », c’est aussi l’imbroglio lors des élections sénatoriales et des gouverneurs des provinces. Des cas de corruption des députés provinciaux sont signalés. La justice est saisie, mais rien ne sort des enquêtes menées. 

Le 24 janvier 2019, c’est la passation de pouvoir au sommet de l’Etat. C’est nouveau pour la RDC. Mobutu avait chassé Kasa-Vubu du pouvoir en 1965 ; Laurent-Désiré Kabila avait chassé Mobutu du pouvoir en 1997 ; Joseph Kabila avait succédé à Laurent-Désiré Kabila assassiné le 16 janvier 2001.

Pour la première fois dans l’histoire de la RDCongo, un président élu prenait ses fonctions alors que son successeur est vivant et libre de ses mouvements. Il assiste même à la cérémonie et remet les symboles de la République à son successeur Félix Tshisekedi. 

La manifestation est grandiose. La « base » des combattants de l’Udps se déplace en masse au palais de la nation où a lieu la cérémonie. Cette dernière sera pourtant assombrie par le malaise que ressent le nouveau président, visiblement étouffé par son gilet pare-balles, pendant son discours. Après une brève suspension, la cérémonie se poursuit normalement.

Que de tractations

N’ayant pas de majorité au parlement, Félix Tshisekedi est obligé de composer avec le FCC. C’est cette plateforme politique pilotée par Joseph Kabila qui détient la majorité dans toutes les assemblées délibérantes du pays. Une coalition, FCC-CACH, est née. Elle mettra pourtant du temps à s’entendre sur la structure du gouvernement et sur le nom même du premier ministre. 

Félix Tshisekedi ne va pourtant pas céder aussi facilement. Des noms circulent. Albert Yuma tout puissant président du conseil d’administration de la géante Gécamines, Jean Mbuyu un proche conseiller de Joseph Kabila et tant d’autres sont cités. Félix Tshisekedi n’en veut pas apparemment. Il va finalement accepter de nommer Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Katangais, professeur d’économie à l’Université de Kinshasa, ancien ministre sous Mobutu, président du Comité de pilotage de la réforme des entreprises publiques (COPIREP) puis Directeur général de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC), poste qu’il occupait jusqu’à sa nomination comme premier ministre, le  20 mai 2019. 

Bien qu’ayant occupé des fonctions politiques, l’homme n’est pas à proprement parlé un « politique ». On le prendrait volontiers pour un expert des questions économiques. Lui aussi mettra des mois pour composer son gouvernement.

« Composer » peut même paraître un terme inapproprié pour lui, car les tractations se tiennent plutôt entre FCC et CACH pour définir les contours du gouvernement, le premier ministre nommé attendant « sagement » que ces négociations ardues se terminent. 

Entre-temps, le chef de l’Etat ne reste pas les bras croisés. Il a un cabinet que dirige son allié politique dans CACH, Vital Kamerhe, le président de l’UNC qui paraît, une fois de plus, être un « faiseur de roi ». En attendant la fin des négociations FCC-CACH, le président lance, le 02 mars 2019, son programme dit de « 100 jours », comportant notamment la construction ou réhabilitation des infrastructures (routes, écoles, centres hospitaliers, centres de production d’eau et d’électricité,…). Son budget est estimé à 304 millions de dollars américains provenant pour 200 millions du trésor public, 70 millions de dollars du FPI  et 23 millions de dollars du Foner.

Surprises !

Quand, le 26 août 2019 soit sept mois plus tard, après la prise de fonction de Félix Tshisekedi le 24 janvier 2019, la composition du gouvernement est dévoilée, les Congolais sont surpris…désagréablement. L’équipe est plutôt éléphantesque. Alors qu’ils s’attendaient à une équipe resserrée, la première équipe gouvernementale du quinquennat Tshisekedi compte 66 membres en tout. Satisfaction tout de même: près de 84% des membres de ce gouvernement n’ont jamais occupé des fonctions ministérielles. La volonté de renouvellement y est perceptible. 

Des vice-premiers ministres, des ministres d’Etat, des ministres, des vice-ministres, des ministres délégués peuplent ce gouvernement de coalition où la femme est assez bien représentée à hauteur de 17% du total. C’est loin des 30% recommandés, mais on doit se contenter de ce premier pas positif.

Pour la première fois, une femme, Elisée Munembwe, est vice-premier ministre, ministre du plan. Une autre femme, Marie Tumba Nzeza, occupe la prestigieuse fonction de ministre des affaires étrangères. Evolution somme toute positive, qui suit celle de l’assemblée nationale, où une femme, Jeanine Mabunda Lioko, est élue présidente de la chambre basse du parlement. C’est du reste sous sa conduite que l’assemblée nationale va investir, sans trop de peine, le gouvernement Ilunga Sylvestre, qui y a défendu son programme. 

La décrispation en marche

Pendant que les bonzes du FCC et de CACH négociaient les contours du gouvernement, Félix Tshisekedi a pris son bâton de pèlerin pour sillonner le monde et y faire entendre, enfin, la voix du Congo rendue inaudible par les absences répétées de son prédécesseur lors des grandes rencontres internationales. Le président s’est également rendu dans quasiment tous les pays voisins avec lesquels la RDC a des frontières communes. Le président renoue aussi le dialogue avec les institutions de Brettons Woods. Si la Banque mondiale a toujours été plus ou moins là, c’est le FMI qui se montre intéressé à s’engager pour un nouveau programme formel avec la RDC. Des conditions sont posées ; le pays doit les remplir pour voir s’ouvrir les vannes. 

S’il s’ouvre au monde extérieur, Félix Tshisekedi n’en oublie pas moins les aspects internes de la décrispation. Des prisonniers politiques sont élargis (Franck Diongo, Eugène Diomi Ndongala avec des conditions extrêmes de restriction des libertés de mouvement et de parole, Firmin Yangambi, bâtonnier Muyambo, notamment). Des exilés politiques regagnent le pays en hommes libres (Moïse Katumbi). Des opposants peuvent, enfin, se mouvoir dans tout le pays et y tenir des rassemblements politiques sans que quelqu’un ne soit inquiété malgré la virulence des propos. Martin Fayulu et Jean-Pierre Bemba en profitent largement. 

Gratuité de l’enseignement : on y croit

En 2019,Félix Tshisekedi a lancé le programme de gratuité de l’enseignement de base, qui restera sans conteste la mesure phare de son quinquennat. Malgré les difficultés de son application effective sur le terrain au regard des réticences de certaines « grandes » écoles catholiques et protestantes, les Congolais ont, dans leur immense majorité applaudi cette décision courageuse. 

Des millions d’écoliers et élèves qui galéraient dans les écoles privées ont afflué vers les écoles publiques où des difficultés n’ont pas tardé à se faire sentir notamment le surpeuplement des salles de classe. 

Bien plus, la question des salaires à payer aux enseignants qui viennent de perdre les « primes » payées grâce à la « motivation » des parents reste posée. Toutefois, une augmentation des salaires des enseignants a été amorcée. Ils sont passés à l’équivalent en francs congolais moins de 100 $US pour certains à un peu plus de 240$US, ce qui est un bond significatif. Mais quand on sait que certains enseignants des écoles dites « grandes » touchaient des « primes » atteignant parfois l’équivalent de 500$US par mois, on peut comprendre l’amertume de certains à accompagner le chef de l’Etat dans ce programme ambitieux et somme toute salutaire.

Quoi qu’on dise, le programme de gratuité de l’enseignement de base ne pourrait plus être abandonné, quitte à trouver des accommodements avec les enseignants débout et assis. Cela intègre notamment, au-delà de l’augmentation régulière des salaires, les frais de fonctionnement des écoles, le paiement des salaires aux « nouvelles unités » et aux « non payés » ainsi que l’octroi de la pension de retraite aux enseignants.

Une flopée d’affaires louches 

La première année de la présidence Tshisekedi a été aussi marquée par une flopée d’affaires d’argent. Des marchés conclus de gré à gré et parfois dans la précipitation pour des travaux importants se chiffrant à plusieurs millions de dollars américains ont été révélés. Des entreprises n’ayant parfois même pas un mois d’existence auraient reçu des marchés. 

Les réseaux sociaux ont été inondés de documents compromettants sur des pratiques pas toujours propres au niveau de la présidence de la République. Des conseillers qui se comportent plus comme « amis » du président que comme collaborateurs ; des conseillers qui logent dans des hôtels sans honorer les factures alors que des fonds sont mis à leur disposition pour ce faire ; des conseillers qui concluent des affaires au nom de la République alors qu’ils n’en ont pas qualité,…

Bref, la présidence de la République est apparue comme une case où les fenêtres restent béantes et où tout le monde peut voir les activités de ses occupants, appliqués à se servir abondamment sur le dos de la République.

La présidence de la République a été surtout secouée par l’affaire dite des «  15 millions $US », une affaire assez floue sur la parafiscalité pétrolière dont les artifices ont été révélés par un rapport de l’Inspection générale des finances. Dans la presse et dans les réseaux sociaux, le nom de Vital Kamerhe, directeur de cabinet du président de la République, a été cité sans que les accusations portées contre lui soient étayées par des preuves irréfutables. Il semble même que le rapport de l’IGF ne cite nullement le nom de Vital Kamerhe, pris pourtant à partie par des organisations assez peu crédibles aux visées floues de l’Udps. Malgré le tonnerre de réprobation et les accusations portées contre son allié, le chef de l’Etat est longtemps resté de marbre, refusant obstinément de prendre position. Il tentera néanmoins de clôturer l’affaire en justifiant les 15 millions $US comme étant une retro-commission ou juste une « coop » en langage kinois. 

L’affaire des 15 millions restera un mystère non élucidé. Même la justice n’y voit apparemment que du feu. On croit néanmoins savoir qu’un ancien conseiller du ministre de l’économie aux moments des faits et le secrétaire général de l’administration dudit ministère en savent bien plus que tout le monde. 

Alors que l’affaire dite des 15 millions de rétro-commissions reste une énigme, est apparue une autre affaire, celle de 200 millions $US que la Gécamines devrait payer à une entreprise floue appartenant à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler. Le président de la République a vite fait de saisir la justice pour que cette affaire soit tirée au clair. On relève toutefois qu’Albert Yuma, au cœur de l’affaire, a reçu le soutien appuyé des communautés katangaises. Le président du conseil d’administration de la Gécamines qui en assurerait aussi le direction générale est un des proches de Joseph Kabila, autorité morale du FCC, allié de Félix Tshisekedi dans la coalition FCC-CACH.

L’affaire des 200 millions $US de la Gécamines est révélée alors que les ordonnances présidentielles nommant de nouveaux mandataires à la Gécamines et à la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC) ne sont toujours pas appliquées. L’ancienne ministre du portefeuille du gouvernement Tshibala tout comme le nouveau du gouvernement Ilunga Ilunkamba ont refusé d’exécuter lesdites ordonnances. Les personnes nommées dont Gabriel Kyungu wa Kumwanza, désigné PCA à la SNCC, n’ont jamais reçu leur notification, ce qui les empêche de prendre leurs fonctions.

La « mise au frigo » des ordonnances du chef de l’Etat n’est du reste qu’un exemple parmi tant d’autres des difficultés de fonctionnement de la coalition FCC-CACH. Des décisions prises par des ministres CACH sont parfois remises en cause par des ministres FCC, cas du ministre des affaires foncières (CACH) et du ministre de la justice (FCC) dans l’affaire d’un immeuble appartenant à Gabriel Mokia mais acquis illégalement (?) par Ngoy Kasanji. C’est le cas d’un rappel à l’ordre du ministre de l’intérieur invitant les gouverneurs de provinces à surseoir à des arrêtés nommant des maires, bourgmestres ou administrateur de territoires, décision ignorée par les gouverneurs concernés, tous FCC. C’est sans doute pour faire un pied de nez au FCC que le ministre de l’intérieur a, d’une certaine façon, réhabilité le gouverneur du Kongo central, destitué par une motion de l’assemblée provinciale, jugée irrégulière par certains.

Que dire enfin de ce levé de boucliers des caciques du FCC face aux décisions de la ministre des affaires étrangères rappelant à la centrale à Kinshasa certains diplomates congolais dont le représentant de la RDC à l’ONU ?

La coalition FCC-CACH aura, au cours de l’année qui s’est achevée démontré qu’elle avait effectivement du mal à exister. Les protagonistes sont toutefois convaincus qu’il n’y a, à l’heure actuelle, aucune voie de sortie, à moins que le président de la République et son allié Joseph Kabila décident de rompre le deal qui les lie, deal dont les tenants et aboutissants semblent n’être connus que d’eux.

Elu premier vice-président de l’assemblée nationale grâce au deal FCC-CACH, Jean-Marc Kabund, président intérimaire de l’Udps ne manque pas d’occasions de tenir des propos assez peu courtois envers ses partenaires du FCC. Ces derniers fustigent ce comportement, en mettant parfois en cause publiquement la sincérité des résultats de l’élection présidentielle du 30  décembre 2018, menaçant même d’éventrer le boa.

Malgré ces invectives, personne ne veut ou ne peut franchir le rubicond, les principaux alliés du deal FCC-CACH, Félix Tshisekedi et Joseph Kabila réussissant chaque fois à arrondir les angles.

Pendant que ces difficultés de cohabitation se corsent, le FCC continue à se structurer. La plateforme pourrait se muer en un grand parti dit de « gauche ». Dans les coulisses, certains verraient bien l’Udps rejoindre ce grand ensemble. On ne voit toutefois pas Félix Tshisekedi cracher avec autant de légèreté sur la mémoire du sphinx de Limete en sabordant l’œuvre de son défunt père biologique, Etienne Tshisekedi. Néanmoins, les hésitations de l’Udps à s’engager plus sur la structuration du CACH de plateforme électorale en plateforme politique comme le veut l’UNC de Vital Kamerhe, a de quoi inquiéter certains.

Mona Kumbu

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