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Accord RDC-Rwanda : la neutralisation des FDLR divise déjà les signataires

Signé le 27 juin 2025 à Washington, sous l’égide des États-Unis et avec l’appui du Qatar, l’accord entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda se voulait un pas historique vers la fin d’un conflit vieux de trois décennies.

Il prévoit le retrait progressif des troupes rwandaises présentes à l’Est de la RDC, en échange de la neutralisation des Forces Démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR), considérées comme une menace sécuritaire par Kigali.

Mais à peine l’encre de la signature séchée, les divergences ressurgissent déjà. Le Rwanda campe sur sa position : pas de retrait de ses troupes sans une action concrète contre les FDLR.

Dans une interview accordée à Jeune Afrique, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a été clair : « Ce que nous avons signé ici à Washington, c’est une première manche. La neutralisation des FDLR est un point central. Tant que cette menace n’est pas levée, nos mesures défensives resteront en place. »

Kigali accuse depuis des années Kinshasa de tolérer, voire de soutenir les FDLR, groupe armé issu des responsables du génocide de 1994 au Rwanda. Pour le gouvernement rwandais, cette milice serait toujours active à l’Est du Congo et intégrée dans l’armée congolaise.

Kinshasa, de son côté, rejette fermement ces accusations. Julien Paluku Kahongya, ministre du Commerce extérieur et ancien gouverneur du Nord-Kivu, a répliqué avec fermeté dans une série de messages publiés sur X. Il qualifie la menace des FDLR d’« argument usé » que le Rwanda instrumentalise pour justifier ses incursions.

« Cela fait 30 ans qu’ils brandissent l’épouvantail des FDLR pour masquer leur véritable objectif : l’occupation et l’exploitation illégale de nos ressources. C’est une rhétorique qui a aveuglé le monde, mais plus maintenant », affirme-t-il.

Paluku rappelle que le Rwanda a occupé plusieurs zones de l’Est de la RDC pendant environ huit ans, à deux périodes clés : de 1998 à 2003, puis de 2022 à 2025. Il s’étonne que malgré cette longue présence militaire, les FDLR n’aient jamais été neutralisées.

« S’ils n’ont pas trouvé leurs FDLR pendant toutes ces années de présence sur notre territoire, c’est peut-être qu’ils n’étaient pas là pour ça. Ce sont les minerais de Rubaya, du Sud-Kivu, l’or, le coltan, qui les intéressent. D’ailleurs, pourquoi le Rwanda est-il devenu un grand exportateur de minerais qu’il ne possède même pas ? », accuse-t-il.

La riposte d’Olivier Nduhungirehe n’a pas tardé. Dans un ton ironique, il a souligné ce qu’il considère comme une contradiction dans la position congolaise : « Si les FDLR ne sont qu’un ‘mensonge’, comme le dit le ministre Paluku, pourquoi alors le gouvernement congolais s’est-il engagé, à plusieurs reprises – à Luanda en octobre et novembre 2024, et à Washington le 27 juin 2025 – à les neutraliser ? Logique élémentaire ! »

L’échange entre les deux ministres illustre les fractures profondes entre Kigali et Kinshasa. Au-delà du texte signé, c’est la perception même de la crise qui demeure opposée. Chacun campe sur son interprétation, rendant incertaine l’application de l’accord.

Paluku ne lâche rien. Il va plus loin en affirmant que la ligne du gouvernement rwandais est dictée par la peur de perdre son influence régionale. « Le régime de Kigali tient par la propagande, le mensonge et la manipulation. Nous le connaissons mieux que quiconque. Cette fois, nous sommes décidés à désinstaller la perfusion. Le malade doit être sevré. »

Pendant ce temps, le M23, soutenu par le Rwanda selon de nombreux rapports internationaux, dicte sa loi dans plusieurs territoires de l’Est de la RDC, y compris dans les villes stratégiques de Goma et Bukavu. Une occupation de fait qui contredit les discours de paix.

La population civile continue de payer le prix de ces rivalités, entre déplacements forcés, violences et pillages. Et la promesse de stabilité reste suspendue aux intentions réelles des deux parties. La neutralisation des FDLR : priorité sécuritaire réelle ou prétexte à visées économiques ? La question reste posée.

Elie Ngandu

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