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Chronique de la vie à Kinshasa : On fait du surplace dans l'enseignement

Très cher cousin,
Je t’avais dit que tes neveux et nièces devaient reprendre les cours les 11 et 17 août après quatre mois d’interruption due au coronavirus. Si ceux des classes terminales tant aux niveaux primaire, secondaire que supérieur ont effectivement repris, le flou persiste pour les étudiants et élèves des classes ou promotions montantes. Les enseignants font valoir des revendications sociales que le gouvernement aurait du mal à satisfaire.

Au niveau primaire et secondaire, c’est le paiement des 2ème et 3ème paliers du salaire post-gratuité de l’enseignement de base et l’alignement, pour la paie, des enseignants dits «nouvelles unités» et des enseignants «non payés» ainsi que l’augmentation de la subvention de l’État dans la Mutuelle de santé des enseignants et la remise des échelons et grades dans le calcul de leurs rémunérations.

Au niveau supérieur, c’est un peu plus compliqué. On parle d’un salaire minimum pour le professeur ordinaire de 5000 $. Aussi du remboursement du trop perçu sur le crédit véhicules des professeurs, plus ou moins 3000 $ pour chaque bénéficiaire. Et enfin le remboursement aux établissements d’enseignement supérieur du manque à gagner consécutif à l’application d’un taux de change dollar-franc congolais sur les frais académiques inférieur au taux du marché.

Malgré cette situation, les cours ont tout de même repris dans certains établissements publics comme l’IFASIC, ex-ISTI où j’ai étudié, l’ISC, l’ISP/Gombe, l’ISAM. Ici et ailleurs, les enseignants sont au rendez-vous. Et les étudiants de G3 et L2 suivent les cours dans l’espoir de boucler enfin l’année académique.

Je dois reconnaître que les porte-monnaie des parents souffrent énormément. Les enseignants exigent l’achat des syllabus aux étudiants à des prix variant entre 10 et 15 $ l’unité. En dehors de ces cours vendus par les professeurs, les étudiants doivent s’acquitter, sous peine d’exclusion des auditoires, d’autres frais. Il s’agit de frais de stage, de direction de mémoire ou de travail de fin de cycle et surtout les frais académiques. Pour des parents qui sortent d’un confinement qui les a ruinés, c’est dur à supporter. Ta nièce qui est en G3 m’en fait voir de toutes les couleurs. Ce matin encore, on s’est quasiment séparés en queue de poisson au sujet de ces nombreux frais. A ce rythme, l’enseignement supérieur risque de devenir un luxe.

Très cher cousin,
Je voudrais profiter de cette occasion pour épingler la situation inconfortable de l’Université de Kinshasa. L’ex-Lovanium où ton père avait étudié n’est plus que l’ombre d’elle-même. La «colline inspirée» n’inspire plus rien. Les professeurs n’en font qu’à leurs têtes. Ils sont constamment en grève. Et cela, pour les motifs sociaux évoqués ci-haut. Alors qu’ils sont conseillers dans de nombreux cabinets ministériels, ils sont apparemment incapables de proposer aux ministres des solutions idoines pour la refondation de notre système d’enseignement. Ils sont donc de nouveau en grève alors que dans certaines facultés les enseignements pour l’année académique 2019-2020 n’ont jamais débuté. Dans certaines autres, on en est encore à l’étape de la délibération pour les épreuves de la deuxième session de l’année académique 2018-2019. Quand vont-elles entamer l’année académique 2019-2020 et celle d’après 2020-2021?

Très cher cousin,
L’Unikin mérite plus qu’une simple réhabilitation des bâtiments. Il y faut une véritable cure de rénovation, un changement total des mentalités et des méthodes de travail nouvelles adaptées à l’évolution technologique. Il faut renouveler aussi le corps enseignant et moderniser la gestion des effectifs des étudiants. Imagine qu’un étudiant qui prétend être régulièrement inscrit, qui suit les enseignements, qui paie ses frais académiques, qui participe aux épreuves, n’être pas délibéré à la fin de l’année académique sous prétexte que son nom n’est pas répertorié sur la liste des étudiants? C’est ce qui arrive pourtant fréquemment parce qu’on continue de gérer le cursus des étudiants à l’ancienne, quasi manuellement. On ne doit donc pas s’étonner que l’Unikin ne soit pas comptée parmi les 100 premières universités africaines.
C’est vraiment triste.
À plus,
Tien,
Franck

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