in ,

Conflits d’héritage, divorces, coutumes… déversent des enfants dans la rue

Des jeunes garçons et filles rejetés par leurs familles, contraints de vivre dans la rue. Des histoires touchantes, troublantes. Des récits difficiles à digérer. Des us et coutumes sont parfois et souvent à la base de cette situation. Des conflits d’héritage sont épinglés. L’irresponsabilité des parents également. La dislocation des ménages amplifie le phénomène « enfants de la rue ». Une descente nous a permis de récolter quelques témoignages de filles prises en charge au Centre Elikya. A découvrir…
Alpha, 17 ans, victime des us et coutumes de sa tribu
Alpha est l’aînée d’une famille de 6 enfants qui a séjourné dans la rue à cause des us et coutumes de ses parents.  « Je suis née à Mbujimayi. Un jour, mon père, commerçant, a décidé d’acheter une maison à Kinshasa. Il est venu s’y installer avec ma mère et mes frères et sœurs.
Je suis restée à Mbujimayi pour finir l’année scolaire parce que j’étais en 6ème primaire. Malheureusement pour moi, j’ai rencontré un garçon à Mbujimayi avec qui j’ai eu des rapports sexuels. Je suis tombée enceinte sans le savoir et j’ai rejoint ma famille à Kinshasa peu de temps après.
C’est à mon arrivée à Kinshasa que mon père va se rendre compte que j’étais enceinte. Il va alors décider de me chasser du toit familial de peur qu’il soit ” tué ” par ses frères. Parce que chez nous, ma dot était promise au petit frère de mon père. Comme il n’y a pas eu de mariage, mon père risquait la mort.
Après avoir accouché, j’ai été tour à tour dans la rue, dans une église (un hangar non protégé) et enfin j’ai intégré le centre Elikya. Mon bébé (une petite fille) a aujourd’hui trois mois.
Fabienne, 13 ans orpheline de père et de mère, victime d’un conflit parcellaire
Au décès de ma mère, mes frères et mes sœurs avaient décidé de vendre la parcelle. Notre grand-mère maternelle s’est interposée et a porté plainte au tribunal. Durant le procès, mes frères et sœurs, majeurs, avaient renié notre grand-mère. Mais malgré cela, le tribunal avait décidé de morceler la parcelle entre les deux parties opposées. Mes frères et mes sœurs ont fini par vendre la partie de la parcelle nous octroyée et m’ont laissé à la charge de notre grand-mère. Puis, je suis tombée malade et personne ne s’occupait de moi. Les frères et sœurs de ma mère ne s’occupaient pas de moi parce que mes frères et mes sœurs avaient renié notre grand-mère.
Prise de pitié, une femme du quartier m’a emmené dans un centre hospitalier dans la commune de Kasa-Vubu pour que je reçoive les soins de santé appropriés. Et je me suis retrouvée dans la rue et on m’a dit qu’il y avait un centre qui s’occupait des filles. Je suis venue et j’ai été accueillie au centre Elikya.
Les éducateurs ont rencontré ma grand-mère mais elle refuse de m’accueillir sous son toit. Elle considère que je ne suis plus sa petite-fille parce que mes frères et mes sœurs l’avaient renié. Actuellement, je suis en deuxième année, dans le cycle de rattrapage. Dès que j’aurais fini le primaire, je voudrais faire la couture et devenir couturière.
Sarah, 17 ans, fille-mère, victime d’un manque d’encadrement de ses parents
Je suis née à Gemena et j’ai toujours vécu aux côtés de ma mère. Un jour sa petite sœur qui ne mettait pas au monde est venue de Kinshasa et a demandé à ma mère que je rentre avec elle pour que je vive avec elle et que j’étudie.
Ma tante était commerçante, elle voyageait beaucoup et me laissait souvent chez les voisins quand elle n’était pas là. Une fois, les voisins ont utilisé tout ce que ma tante leur avait laissé et n’ont pu m’envoyer à l’école.
Un jour, je suis tombée malade. La femme du voisin m’a emmenée au camp Kokolo et m’a abandonnée devant la porte fermée où habitait la famille de ma mère. Ma tante lui avait donné l’adresse, en cas de nécessité. A leur retour, ils m’ont trouvée devant leur porte. Je leur ai expliqué qui j’étais et ils m’ont acceptée. Et depuis, j’ai commencé à vendre les légumes de leurs potagers.
Une nuit, un de leurs enfants avait déféqué dans la maison. Au matin, ils s’en sont pris à moi, m’ont battue et m’ont incitée à accepter que j’étais une sorcière. Le lendemain matin, ils m’ont envoyé au marché Gambela pour que je vende les légumes. Je leur ai dit que je ne connaissais pas le marché. Ils m’ont demandé de suivre les autres filles du camp Kokolo.
Après que j’aie vendu les légumes, vers 18 heures, je ne savais plus comment rentrer au camp Kokolo. Et j’ai fait la rencontre d’autres filles qui vivaient dans la rue. Elles m’ont dit de ne pas rentrer dans ma famille parce qu’ils me maltraitaient et qu’elles s’occuperaient de moi. J’ai vécue avec ces filles qui se prostituaient. J’ai été violée et j’ai dû me prostituer. Mes nouvelles amies m’avaient initié dans la drogue pour que je ne puisse plus avoir peur de vivre dans la rue.
Après près de 3 années passées dans la rue, je me suis décidée de quitter la rue. Je me suis renseignée et des amis m’ont dit qu’il y avait un centre au niveau de la commune de Kingasani. Avec une de mes amies, nous avions décidé de nous rendre là-bas. Arrivées au niveau de quartier 1, nous avions rencontré un gang de garçons qui nous ont interpellé et ont voulu abuser de nous. Un garçon s’est interposé et m’a protégée et finalement je suis devenue sa femme. Je suis tombée enceinte. Quand j’ai accouché, j’ai cherché un lieu sécurisé et sain pour élever mon fils convenablement. Je suis venue au centre Elikya et j’ai été reçue. On m’a donné les règles que j’observe. Et depuis, je vis au centre.
Génie Mulobo et Susie Bakajika

What do you think?

Edité par

Comments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Loading…

0

À la découverte de l’incontournable commerce du « makala » à Kinshasa

Homosexuel en cachette, Junior rêve de briser les tabous