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Homosexuel en cachette, Junior rêve de briser les tabous

Junior, 24 ans, homosexuel. Pas facile pour lui d’afficher son orientation sexuelle. C’est même dangereux. Nous l’avons rencontré. Il raconte son histoire. Un véritable parcours du combattant pour ce jeune homme qui rêve d’une loi autorisant deux personnes de même sexe à vivre au grand jour leurs relations en RDC. Entretien

Peux-tu nous expliquer brièvement comment ta sexualité ” différente ” a-t-elle commencé ?
Ce n’était pas facile et ce n’est toujours pas facile pour moi de cacher ce sentiment qui était intérieurement en moi. Ma famille a fini par me suspecter à cause des voisins qui en parlaient. Malgré les efforts pour te contenir, tu ne peux pas cacher ta nature. Même si je ne l’affiche pas trop par mon look parce que personnellement, je n’aime pas choquer les gens par mon apparence, j’essaie de rester discret et ce n’est pas par rapport aux autres. C’est déjà assez difficile d’être accepté tel quel à Kinshasa et quand tu dois y rajouter une apparence différente cela complique encore les choses.

A quel âge as-tu constaté cette « différence» ?
J’avais 13 ans quand je me suis senti différent. Je ne sais pas l’expliquer. C’est à l’intérieur de moi. C’est un sentiment. J’appréciais énormément les filles. Je traînais avec les garçons mais je traînais plus avec les filles. Je me sens ouvert avec les filles. Mes meilleures amies sont les filles. Je peux dire tout à une fille.

Mis à part tes amies, comment considères-tu le regard des autres filles ?
J’ai déjà entendu des filles dire que je suis un beau garçon ; que je devais sortir avec des filles et non avec des garçons. Un jour je me baladais avec un ami qui vit aux Etats-Unis et qui a le look gay parce qu’il assume sa sexualité. A une station-service, des filles m’ont pris à parti et m’ont dit qu’elles n’appréciaient pas cette vie que je menais. Elles m’ont conseillé d’arrêter cette vie. J’étais un peu choqué mais j’ai compris qu’elles ne pouvaient pas me comprendre.

Revenons à tes parents. Comment ont-ils réagi quand ils ont su ?
Mes parents n’étaient pas d’accord quand ils ont compris. Ils m’ont interdit de sortir, m’ont privé d’argent de poche. Des fois, ma mère faiblissait et me donnait quelque chose mais mon père, lui, est resté ferme. Ils avaient donné ordre au gardien de ne pas me laisser sortir de la parcelle. Je n’avais pas non plus le droit de recevoir mes amis. J’étais un peu triste que personne ne me comprenne. A un moment, j’étais même prêt à arrêter. Mais ce n’était pas facile d’abandonner, c”est quelque chose qui est en moi et qui vit en moi. Ici, en Afrique on dit que c’est de la sorcellerie. Mais que dirait-on des Européens ? Quand tu es dans un milieu, il y a des regards bizarres mais pas agressifs. Quand je vais à la piscine avec mes piercings, je sens que les gens sont choqués mais je m’en fous.

Dans leur recherche de te ramener à la raison, qu’ont-ils tenté?
Un jour, ils ont fait appel à un curé et ma mère lui a expliqué la situation. Il m’a appelé. Il voulait m’interner pour que je revienne à la raison. Le curé m’a interrogé mais j’ai nié tout en bloc.

Qu’est-ce qui t’a poussé à nier ?
Je ne me sentais pas prêt. J’avais juste 16 ans.

Depuis quand assumes-tu ta sexualité ?
Depuis l’âge de 19 ans, je l’assume entièrement.

As-tu un petit ami en ce moment ?
Oui, un blanc. Il est Français.

Dans quelles circonstance vous êtes vous rencontrés ?
On est entré en contact sur internet. Il venait déjà à Kinshasa. Il m’avait déjà vu quelque part parce que je fréquente souvent les boîtes de nuit et les restaurants. On a échangé nos contacts. Il est venu à Kinshasa et quand je l’ai vu c’était comme le coup de foudre.

As-tu déjà eu des relations amoureuses avec des Congolais ?
Oui, mais avec les Congolais, ça ne se passe pas bien. C’est un problème de mentalité. Les Congolais ont une autre façon de voir les choses. C’est plus discret. Vous avez tous les deux peur que vous soyez aperçus par vos familles et amis. Vous vous cachez. Quand je suis avec mon copain français, je ne suis pas gêné. On est même sorti dans des boîtes où il n’y avait que des noirs. Les gens ont parlé mais je ne m’y intéressais pas.

Il nous a été rapporté que dans le milieu homosexuel il existe des actifs et des passifs ? Peux-tu nous expliquer cela ?
Quand il y a deux personnes, l’un joue le rôle de l’homme, c’est l’actif et l’autre celui de la femme, c’est le passif.

Lors de ta première relation sexuelle, tu étais actif ou passif ?
J’étais actif.

Dans ton couple qui est l’actif et qui est le passif ?
Mon copain est actif mais il se laisse aussi diriger par moi. Parce qu’il m’aime et veut me faire plaisir. C’est un plaisir partagé.

Comment considères-tu les bisexuels ?
Je trouve cela normal. C’est leur logique. Je ne les juge pas.

Et toi, tu n’es pas intéressé par les filles ?
Si, il y a des filles qui m’impressionnent. Je suis déjà sorti avec une fille.

Aimerais-tu te marier, avoir des enfants ?
Je ne sais pas, un jour peut-être j’aurais envie de faire des enfants. J’aimerais avoir un enfant issu de mon sang.

Aimerais-tu mener un combat pour changer cette mentalité de discrimination vis-à-vis des homosexuels au Congo?
J’aimerais bien. Je me dis que le monde évolue. Il y a même des autorités qui sont homosexuelles mais personne ne l’assume. Mais Dieu seul sait qu’un jour il y aura une loi qui va tolérer que deux personnes de même sexe puissent exprimer leurs sentiments dans ce pays. Le changement interviendra avec ou sans moi, pour le moment, je vis ma vie. C’est plus fort que moi. C’est inné. Quelque chose qui est en toi comment peux-tu l’arrêter ?

Quelles sont tes projets d’avenir ?
J’ai un graduat en informatique de gestion. Je ne suis pas intéressé de travailler. Je ne suis pas encore prêt pour travailler. Je voudrais quitter le Congo. J’irai vivre avec mon copain en France là où les gens sont plus tolérants. Je veux avoir un enfant, une fille. J’aimerais rencontrer une fille qui accepterait de faire un enfant. J’irais même jusqu’à payer pour cela.

Propos recueillis par S. Bakajika & Joel Wetu

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