Le ciel de Kinshasa était censé être bleu. La saison sèche bat son plein. Et pourtant, le 14 juin 2025, c’est un déluge meurtrier qui s’est abattu sur la capitale congolaise : 90 mm de pluie, selon la METTELSAT. Une quantité record. Un bilan provisoire déjà lourd : des morts par dizaines, des routes éventrées, des maisons englouties, des familles décimées. Et toujours pas de réaction d’envergure. Pas de plan de secours. Pas d’anticipation. Pas de responsable. Le drame n’est plus naturel. Il est institutionnalisé.
À Ngaliema, on compte 17 morts. À Lemba, un mur s’est effondré, tuant deux personnes sur le coup. Dans d’autres communes, les inondations ont ravagé routes et maisons. Partout, les mêmes scènes : familles coincées, boue jusqu’aux genoux, glissements de terrain, avenues brisées, quartiers isolés.
Les rivières débordent. Les routes se rompent. Les corps sont retirés de la boue. Et que fait l’État ? Rien. Aucune déclaration officielle. Aucun chiffre consolidé. Juste le silence. Ce drame n’est pas une surprise. La METTELSAT avait lancé l’alerte dès mars : précipitations anormales, montée des eaux, crue de la Ndjili. Le boulevard Lumumba avait déjà été coupé en deux. Rien n’a été retenu. Aucune mesure de mitigation. Aucun plan de drainage. Aucune évacuation préventive.
Et maintenant ? Le même scénario. La ville, les mêmes failles. Une météorologie prévisible, mais des autorités impréparées. Le plus glaçant, ce n’est pas la pluie. C’est l’absence totale de défense. Kinshasa n’a ni plan d’urgence, ni système d’alerte, ni culture de prévention. Ses voiries sont saturées. Ses caniveaux inexistants. Ses collines s’érodent. Ses rivières sont des égouts à ciel ouvert. La moindre goutte devient une menace.
Il ne suffit plus de parler de catastrophes naturelles. Il faut parler de catastrophes politiques. Ce ne sont pas des nuages qui tuent les Kinois, ce sont les lacunes structurelles, l’absence de planification, l’indifférence crasse. Des ingénieurs météo savent expliquer les perturbations. Mais quels ingénieurs urbains pour protéger la ville ? Quelles brigades pour curer les rivières ? Quelles brigades de sécurité civile ? Quels budgets exécutés ? Aucun.
Kinshasa est laissée à elle-même. Les bourgmestres improvisent des décomptes de morts. Le gouvernement observe. Et la pluie s’occupe du reste et tombe sur un État absent. Elle a frappé une capitale sans gouvernail. Le ciel a grondé, mais le silence le plus assourdissant est venu des bureaux climatisés du pouvoir.
Les morts du 14 juin ne sont pas une fatalité. Ils sont le reflet cuisant d’un système incapable d’agir, de prévoir, de protéger. Pendant qu’on parle de croissance et de digitalisation, les Kinois meurent dans la boue.
Tant que la pluie mettra Kinshasa à genoux, c’est toute la classe dirigeante qu’il faudra accuser d’incurie.
Rédaction