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L’avortement en RDC  : ” l’hypocrisie juridique ” [ Tribune de Maître Scott Mpako Bekila ]

En Mars 2018, la République Démocratique du Congo légalise l’avortement à travers la publication du protocole de Maputo dans son journal officiel, donnant ainsi la liberté et le contrôle total à la femme sur sa reproductivité. Cependant, presque une demi-décennie plus tard, la pratique juridique congolaise se dresse encore en écueil face cette volonté du légiférant de renforcer l’autonomisation de la femme. Il est manifeste que l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est encore très mal vue dans la société congolaise. Et que la latitude de décider en la matière échappe encore quasi totalement à la femme en RDC.

La société africaine étant encore d’une manière générale conservatrice, c’est à se demander si ce n’est pas mettre la charrue avant les bœufs que de promulguer des lois sujettes à controverse, sans préalablement préparer la population à comprendre leurs biens fondés, et à les recevoir. Mais il est encore plus évident de reconnaitre que le protocole à la Charte Africaine des Droit de l’homme et des peuples relatifs aux droits de la Femme en Afrique, communément appelé Protocole de Maputo, dans son article 14 ouvre le droit à la femme à un avortement exclusivement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger sa santé mentale et physique ou sa vie ou celle du fœtus.
Ce qui par conséquent donne à la femme congolaise le pouvoir de décider sur sa reproductivité et cela sans crainte des conséquences juridiques.

Suite à ce qui précède, il est donc difficile de s’expliquer aujourd’hui en droit Congolais qu’on fasse encore application de l’article 165 du code Pénal Congolais qui condamne toutes formes d’avortement et peu importe les motivations. Notamment, en tenant compte de la notion de la pyramide de Kelsen que tout juriste est supposé connaitre, qui place les traités internationaux au-dessus des lois internes.Parmi plusieurs raisons qui peuvent être à l’origine de cette entorse au droit des femmes, trois en ressortent très distinctement :

▪ La religion
▪ La concussion dans la magistrature Congolaise
▪ La méconnaissance du protocole de Maputo

La religion : État laïc, deux Congolais sur trois sont croyants. Le christianisme, l’islam et kimbanguisme sont les principaux mouvements religieux en république démocratique du Congo, et ces trois mouvements condamnent fortement l’avortement. Dans un pays essentiellement croyant, souvent la ligne de démarcation entre la religion et le droit est quasi invisible. Ce qui fait que même en connaissance du traité sus évoqué, certains magistrats se refusent encore d’en faire application.

La concussion dans la magistrature Congolaise : c’est un secret de polichinelle que la magistrature Congolaise est gangrenée depuis plusieurs années par des malversations nommées et innomées. Parmi les plus fréquents, faire payer aux justiciables des amandes même sans aucun fondement. Il n’est donc pas rare de voir des arrestations des jeunes et même des médecins qui ont pratiqué l’avortement en toute légalité.

La méconnaissance du protocole de Maputo : comme plusieurs textes légaux en RDC, le protocole de Maputo est connu essentiellement par les praticiens du Droit et souffre encore d’un manque de vulgarisation auprès des citoyens. Il est donc essentiel d’informer la population sur ce protocole afin qu’elle ne soit plus l’objet des exactions des magistrats véreux.

Conclusion

Le législateur congolais a la responsabilité tacite de veiller à ce que les lois soient conformes à la vision Étatique mais aussi à sa culture. Cependant, au-delà de la question culturelle, morale, et religieuse, l’applicabilité de l’article 14 du protocole de Maputo est tout d’abord scientifique. Qu’on soit pour ou contre, sa légalité en RDC est indiscutable. Il relève du devoir de la justice de veiller à son respect. De facto, il est donc grave de constater une certaine hypocrisie juridique au niveau des acteurs de la justice au moment d’en faire application.

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