Un incident remarquable s’est produit ce dimanche à l’église Philadelphie de Bukavu lorsque Bertrand Bisimwa, accompagné de ses compères dont Corneille Naanga et cie, a assisté au service religieux. Contrairement peut-être à ses attentes, le pasteur Bujirii n’a pas hésité à l’interpeller publiquement dans un discours direct et sans concession.
Le pasteur, malgré sa maladie, a tenu à être présent pour cette visite particulière. “Quand j’ai appris qu’ils venaient ici, je me suis dit que malgré ma maladie, je devrais venir les voir,” a déclaré le pasteur avant de révéler un fait peu connu : “Bertrand est un ancien fidèle de cette église. Peut-être qu’il a honte de le dire, mais je vous rassure que c’est un ancien d’ici.”
Dans son intervention, le pasteur Bujirii a évoqué des listes de personnes à éliminer établies par le mouvement de Bisimwa. “Sur la première liste des personnes à éliminer à l’entrée de votre mouvement dans la ville, mon nom était à la 14ème position… puis une autre liste est sortie où mon nom était en 54ème position,” a-t-il affirmé avant d’ajouter avec force : “J’aimerais vous dire ici devant tout le monde que si je meurs, j’irai au ciel car je ne me reproche rien, mais aussi si vous voulez vraiment me tuer, j’aimerais que ça soit toi Bertrand qui m’élimine.”
Le discours du pasteur a également touché à l’héritage familial de Bisimwa : “Je connais ton père qui a été diacre au sein de cette même église.” Il a ensuite questionné la notion d’autorité invoquée par les hommes de Bisimwa : “Un de tes hommes a voulu me dire que vous ne savez pas que l’autorité vient de Dieu ? Et je lui ai répondu : quelle autorité ? N’oublie pas que tu es congolais comme nous autres.”
Le pasteur a dénoncé les méthodes employées par le groupe armé : “Comme le Christ a dit à Pierre, un berger c’est celui qui veille sur les brebis. Mais pas entrer dans la ville et commencer à fouetter et tuer les gens et voler les véhicules.” Il a souligné l’impact visible de la terreur instaurée : “Regarde comment le parking est vide car tout le monde a caché sa voiture.”
“Il n’y a que celui qui n’a jamais travaillé qui ne connaît pas le sacrifice que l’on fait pour avoir une voiture. Mais vous entrez et volez les biens des gens. Vous dites que vous êtes libérateurs mais ceux qui étaient avant vous, bien que mauvais, n’ont jamais fait ça,” a poursuivi le pasteur.
Dans une référence historique, le religieux a rappelé : “Vous êtes les quatrièmes libérateurs que cette ville a connus, mais il n’y a jamais eu de progrès, donc on ne s’y attend pas.” Il a décrit la situation actuelle à Bukavu : “Les gens ont peur et restent cloîtrés chez eux, les tueries, les disparitions… pour quelqu’un qui a grandi dans l’église, je te supplie, arrêtez ça.”
Le pasteur a conclu par un appel spirituel : “Que Dieu vous comble de grâce pour que vous et vos amis qui sont à Kinshasa appreniez à aimer les gens d’abord, en lieu et place de la terre de ces gens. À aimer les gens au lieu de l’or ou du diamant qui est dans le sous-sol.” Et un avertissement final : “En 2003, nous avons prié pour cette ville et demandé à Dieu que tout celui qui verserait encore le sang dans cette ville, que Dieu puisse s’en charger.”
Cette confrontation publique illustre les tensions persistantes dans la région et l’audace d’un homme d’église face à un leader armé.
FNK