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« Ngongo Luwowo à ses journalistes : vous êtes libres d’écrire ce que vous voulez mais ne touchez pas à mon Maréchal » (Paul Madidi, témoigne)

Il est décédé mardi 12 mai à Kinshasa. Il fut Sénateur, ancien ministre de l’Information et des Affaires Foncières sous Mobutu, Ancien Commissaire du Peuple, ancien journaliste de l’OZRT et fondateur de Radio Télé Kin Malebo, TKM. Lisapo donne la parole à Paul Madidi, un des journalistes qui a longtemps travaillé à ses côtés. Il témoigne.

Aout 1994. Depuis déjà plusieurs mois, les cours dans les universités sont suspendus . Les professeurs réclament des améliorations des salaires et des conditions de travail. C’ est une année blanche de plus. Je commence alors à trouver un poste de stagiaire dans les différentes rédactions déjà remplies. Un jour, je croise Karl Nawej au centre ville. Il me fait savoir qu’un nouveau titre de journal est en préparation – « La libre expression ». Es-tu intéressé ? me demande-t-il.  Je ne me fais pas prier :  « Ça tombe bien »….Mais qui en est le patron? « Ngongo Luwowo », C’ est le ministre de l’information du gouvernement Faustin Birindwa. Un « mouvancier ». C’est ainsi qu’on identifiait les partisans du président Mobutu à cette époque. C’était tout sauf une fière appellation. Un peu comme FCC aujourd’hui. Je crois que Karl Nawej a ressenti mon appréhension et rajoute : « Viens à la première réunion et tu te feras ta propre idée ».

La toute première conférence de presse se tient dans un bel appartement à la Gombe. Non seulement, j’ y rencontre des vieux copains de la Fac mais surtout, à côté de Karl, Kwebe Kimpele. Un monstre de la radio et de la télévision. Il aligne des blagues, des anecdotes les unes aussi intéressantes que les autres. Une très belle atmosphère y règne. 

Puis, arrive Ngongo Luwowo. « Excellence », accompagné comme ce sera très souvent le cas, de ses amis d’enfance. Tout de suite et sans se faire prier, il tire une chaise. C’est la première que le voyais. Un homme plutôt bavard, aussi blagueur que Kwebe Kimpele. Après quelques trois autres histoires croustillantes, la réunion peut enfin commencer. D’entrée de jeu, il définit les règles : « Vous êtes libres d’écrire ce que vous voulez. Mais ne touchez pas à mon Maréchal et Promettez-moi que vous serez meilleurs que le Soft ». Oui, Le Soft, propriété de Kin-Kiey Mulumba, avec cette bande bleue, juste en bas du nom du journal, se prenait pour la version zaïroise du Monde (journal français). Un journal de prestige, sur papier bond.

Une semaine plus tard, « La Libre expression”est sur le marché, lancée en grande pompe à l’ Hôtel Intercontinental (aujourd’hui PullMan), devant des ambassadeurs, des hommes d’affaires. Elle est imprimée, elle aussi sur papier bon. A la différence du Soft, , elle a une bande rouge. Au fil du temps, la Libre expression qui peut s’enorgueillir d’avoir de très beaux bureaux à la Gombe, va devenir une référence dans la ville et Ngongo, présent à tous les marbres, peut se réjouir. Son journal se vend presqu’aussi bien que Le Soft et en termes de scoops et lui vole souvent la vedette. 

Malheureusement, les conditions de travail, les finances et leur gestion, c’est le revers de la médaille. Ngongo promet des améliorations . « Nous aurons les meilleurs salaires de la ville. Nous serons bientôt un grand groupe de presse comprenant une station de radio et une chaîne de télévision ». Kwebe Kimpele et Karl n’en peuvent plus déjà . Ils quittent le navire. 

Malgré tout , Ngongo tient à son projet. Il lance simultanément Télé Kindu Maniema à Kindu et Tele Kin Malebo à Kinshasa. Mais pour la capitale, il veut une chaîne dotée d’une rédaction. Une première . Les chaînes privées à l’époque craignant sans doute des sanctions politiques refusaient de traiter de l’actualité. Pour ce faire, il fait venir du lourd. Charles Dimandja , suivront Simplice Kamunga, Kibambi Shintwa et Lumbana Kapasa. Encore une fois, il rappelle l’indépendance de la ligne éditoriale « mais ne touchez pas à mon Maréchal ». Le  journal de 19:00 devient le rendez-vous quotidien incontournable.

Il fut aussi un homme des contacts. Il avait par exemple des entrées chez Dénis Sassou Nguesso. Je me souviens avoir effectué une mission dangereuse à Brazzaville divisée entre partisans de Lissouba et Sassou. J’étais escorte jusqu’à mon lieu de séjour par des gardes personnels du président Sassou qui ne cessaient me dire du bien de mon patron, lui même en exil en France.

Je garde en définitive le souvenir d’un homme ambitieux et loyal jusqu’au bout au Maréchal Mobutu. Son groupe de presse aurait connu sans doute un autre destin s’il n’avait pas été obligé de s’exiler après l’arrivée au pouvoir de l’Afdl. 

Repose en paix Aubin Ngongo Luwowo !

Paul Madidi

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