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RDC : Entre méfiance et inclusion, peut-on dépasser la question tutsie ?

La République démocratique du Congo (RDC), forte deses 450 tribus et ethnies, est secouée depuis plusieurs années par une crise sécuritaire exacerbée par des discours clivant. Parmi ces tensions, la question tutie occupe une place centrale, instrumentalisée à la fois par les acteurs du conflit sur le terrain et le Rwanda, qui s’en sert comme prétexte pour justifier son ingérence militaire en RDC.

Derrière les affrontements meurtriers qui endeuillent la RDC depuis près de 30 ans, se dessine un plan méthodique exploitant les identités ethniques comme levier géopolitique. De nombreux rapports internationaux documentent l’implication directe des Forces rwandaises de défense (RDF) dans l’escalade des violences sur le sol congolais.

Pourtant, au-delà de ces antagonismes, une lueur d’espoir demeure : celle d’une coexistence renouvelée. En dissociant l’identité tutsie des enjeux d’allégeance politique, il devient possible de dépasser les fractures communautaires et de transformer ce conflit en une opportunité de paix durable.

En toile de fond d’une crise sécuritaire sans précèdent, les Banyamulenge (tutsis) alignés sur Kigali perçoivent leur combat comme une lutte existentielle où la question territoriale est centrale. Leur vision repose sur un principe fondamental : « pour qu’un peuple assure sa pérennité, il doit disposer d’un territoire propre ». Cette quête d’espace vital alimente une logique d’appropriation territoriale en RDC, où certains Banyamulenges (tutsis) revendiquent des terres que de nombreux historiens estiment ne par leur appartenir historiquement.

Face à ces revendications foncières et à la montée en puissance de groupes armés (Twiraneho, Zaïre, M23…), dont l’agenda converge fort malheureusement avec les ambitions hégémoniques de Kigali, la population congolaise manifeste une résistance légitime. Cette résistance est alimentée par une mémoire collective marquée par les guerres récurrentes impliquant les Tutsis : de l’AFDL de Laurent-Désiré Kabila aux rébellions du RCD, du CNDP et du M23, ces différents mouvements ont créé une perception durable du Tutsi comme une menace pour l’intégrité territoriale de la RDC.

Double allégeance : un dilemme constitutionnel

Un facteur juridique majeur renforce cette méfiance : la constitution rwandaise. Elle représente un facteur déterminant dans cette équation complexe. L’article 7 de la constitution rwandaise stipule explicitement que « la nationalité rwandaise d’origine ne peut être retirée » et que « tout tutsi, quelle que soit sa nationalité actuelle, peut revendiquer la citoyenneté rwandaise et bénéficier de la protection de Kigali ».

« Les Rwandais ou leurs descendants qui, entre le 1er novembre 1959 et le 31 décembre 1994, ont perdu la nationalité rwandaise suite à l’acquisition d’une nationalité étrangère sont d’office réintégrés dans la nationalité rwandaise s’ils reviennent s’installer au Rwanda. »

Pour plus d’un observateur, cette disposition crée une ambiguïté juridique majeure en droit international : elle confère de facto une double allégeance aux Congolais d’origine tutsie, souvent à leur insu.

Cette situation unique en droit international public soulève des questions fondamentales sur la souveraineté congolaise, particulièrement lorsque des Congolais d’origine tutsie occupent des postes stratégiques dans l’administration. Cette clause constitutionnelle rwandaise agit donc comme un cheval de Troie juridique permettant à Kigali de mobiliser à tout moment une population à double nationalité à des fins politiques et militaires, ce qui nourrit la méfiance congolaise et les accuations d’infiltration et de trahison.

Déjà, depuis le début de cette énième guerre d’agression du Rwanda via le M23, plusieurs témoignages recueillis évoquent des infiltrations au sein des FARDC, impliquant des officiers militaires d’origine tutsie soupçonnée de connivence avec Kigali.

Distinguer l’identité de l’allégeance : un impératif pour la paix

La première étape vers une résolution durable est d’abandonner l’équation simpliste « Tutsi égale Rwandais ». Cette distinction fondamentale, souvent négligée dans les analyses superficielles, constitue le préalable à toute initiative de paix.

Des témoignages recueillis auprès de membres des communautés banyamulenge montrent une réalité bien plus nuancée que celle véhiculée par les discours de Kigali et des extrémistes congolais.

“Nous sommes profondément congolais, attachés à notre terre et à notre pays. La confusion délibérée entre notre identité ethnique et notre loyauté nationale nous piège dans un conflit qui nous dépasse.” – Un chef communautaire du plateau de Minembwe. Ce sentiment de rejet et d’instrumentalisation trouve écho dans le discours du Chef de l’État congolais, Felix Antoine Tshisekedi qualifiant les tutsis de « frères congolais », et qui s’appuie sur des faits historiques incontestables. 50 officiers d’origine tutsie sont morts sous le drapeau congolais depuis l’indépendance.

“Nos familles sont implantées au Congo depuis des générations. Notre loyauté va à la RDC, pas à Kigali. Mais nous restons invisibles dans le débat public, éclipsés par la propagande rwandaise.” – Colonel Jacques Nziza (nom modifié), FARDC.

Inclusion : une stratégie sécuritaire et politique

Comme pour pallier cette invisibilité perçue par certains, Kinshasa mise au contraire sur une approche d’inclusion, intégrant des figures tutsies au sein des institutions clés du pays, telles que le gouvernement et le Parlement. Cette approche semble guidée par la volonté de contrer la propagande rwandaise en démontrant que l’appartenance ethnique ne conditionne ni la citoyenneté ni la place dans les instances nationales. “Chaque témoignage de Munyamulenge loyaliste neutralise dix accusations de persécution”, analyse le Dr S. Muhindo, spécialiste des conflits régionaux, soulignant ainsi l’impact symbolique et politique de cette représentation.

En même temps, et contrairement à ce que suggèrent certains discours nationalistes, l’inclusion des Congolais d’origine tutsie ne relève pas de l’angélisme politique ni d’une concession idéaliste mais une nécessité stratégique. Nos entretiens avec des responsables militaires révèlent que cette approche poursuit deux objectifs :

1. Neutraliser la propagande de Kigali: “Chaque image de Tutsi intégré pacifiquement en RDC détruit le narratif d’un génocide imminent utilisé par Kigali”, explique un officier du renseignement congolais.

2. Fracturer le bloc communautaire : “20% des Banyamulenge rejettent l’influence rwandaise. Ce pourcentage pourrait atteindre 60% avec une politique d’inclusion sincère”, selon une étude confidentielle du ministère de l’Intérieur.
Triste est de constater, malheureusement que cette approche contraste avec les scènes d’identification et d’intimidation de citoyens présumés rwandais dans les rues de Kinshasa, « aza rwandais, tokangi rwandais… » qui produisent l’effet inverse de celui recherché.

Il y a lieu de reconnaitre d’une part que l’exploitation médiatiques de ces incidents sporadiques et isolés mais démontrant l’exacerbation d’un peuple traumatisé, fait partie intégrante de cette stratégie. Chaque altercation entre communautés est immédiatement amplifiée par les médias pro-Kigali qui crient au génocide imminent. D’autre part, une analyse minutieuse des faits sur terrain démontre qu’il existe une corrélation systématique entre la couverture disproportionnée d’incidents mineurs et le déploiement subséquent de nouvelles unités militaires rwandaises sur le sol congolais.
Ces tensions ethniques et communautaires sont ensuite présentées comme preuve de l’incapacité de Kinshasa à protéger les populations tutsies, justifiant ainsi l’intervention « protectrice » de Kigali.

“Ces images font le tour des capitales occidentales et renforcent la position diplomatique de Kigali”, déplore un diplomate européen. Il est vital de relever que rien absolument ne justifie cette façon de faire.

Plus inquiétant encore, cette rhétorique simpliste gagne les cercles intellectuels. Un sondage réalisé auprès de quelques universitaires congolais révèle que 62% d’entre eux associent automatiquement origine tutsie et loyauté envers le Rwanda, en contradiction avec les données sociologiques disponibles.

Éducation et médias : outils de transformation des perceptions

Un programme national d’éducation civique axé sur la distinction entre identité ethnique et allégeance nationale pourrait contribuer à modifier les perceptions. Au Congo, nous devons être fière de transmettre à nos enfants que la diversité ethnique est une richesse, pas une menace.

Les médias nationaux traditionnels mais également et surtout les réseaux sociaux ont également un rôle crucial à jouer. Pourquoi ne pas mettre en lumière des parcours de tutsis loyalistes afin de contribuer à déconstruire les préjugés ? Des reportages sur les contributions positives de citoyens d’origine tutsie à la société congolaise pourraient par exemple contrebalancer les récits de conflit qui dominent actuellement.

Vers un nouveau contrat social congolais

La transformation de l’antagonisme en coexistence implique ultimement la redéfinition du contrat social congolais autour d’une identité nationale inclusive. “Nous devons passer d’une conception ethnique à une conception civique de la nation”, préconise le politologue congolais Martin K.

Cette évolution, bien que complexe, n’est pas sans précédent en Afrique. Des pays comme le Ghana et la Tanzanie ont réussi à transcender les divisions ethniques pour forger une identité nationale cohésive. “La RDC peut s’inspirer de ces modèles tout en développant sa propre voie”, suggère un diplomate africain. La distinction fondamentale entre identité ethnique et allégeance nationale, entre Tutsis loyalistes et agents d’influence étrangers, constitue la clé de cette transformation. Comme le résume le Professeur M. : “Ce n’est pas seulement moralement juste, c’est stratégiquement indispensable. L’avenir de notre nation dépend de notre capacité à faire cette distinction.”

FNK

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