Suite aux bouleversements introduits par l’effondrement socio-économique post-colonial en RDC, Patrice Lumumba et Joseph Kasa-Vubu seraient, dans l’au-delà, étonnés et désabusés. Voir leur rêve du Congo jeté au fonds de l’imaginaire collectif est un désaveu d’impuissance et d’irresponsabilité, après l’échec collectif Congolais.
Il déferle, depuis un temps dans la socio-dynamique des mouvements intellectuels et de jeunes ainsi que des hommes épris de l’honneur, de pensées et appels à la renaissance de la RDC, « assombrie » actuellement. Tout en lançant un appel au formatage « secret code » du Pacte démocratique du 30 juin, ce récit présente les rêves des pères de l’indépendance. Mais aussi, épilogue sur cette utopie collective. De nouveaux sentiments et audaces devant conduire la Nation Congolaise d’ici 2100 à son expansion.
La grande fumée post-coloniale
S’il faudra aujourd’hui revisiter cette filmographie de l’indépendance du 30 juin 1960. Certes, C’est un jour fastueux. Mais, cette déclaration de l’indépendance considérée à tort dans un déni collectif, comme le début du chemin de la croix ou la cause de la descente aux enfers de l’ex-Congo belge.
Célébré en mode Te Deum en grande pompe à la cathédrale Sainte-Anne, lors de la séance solennelle, tenu juste après l’office religieux dans la grande salle du palais de la Nation. On raconte l’intervention de Baudouin Ier, arrivé la veille à Léopoldville. Le colon rendit un hommage à « l’oeuvre coloniale menée de mains de maître par roi Léopold II et perpétuée par la Belgique ».
Le suivant : Joseph Kasavubu, le chef du nouvel État congolais, offensa les nationalistes congolais en usant d’un langage des bois sur l’émancipation de son peuple, il appuya l’ancienne métropole. Chose qui énerva Patrice Emery Lumumba, nouveau chef du gouvernement. Il brusqua alors le protocole et prononça à 11 h 35’, une critique que l’ancien colonisateur ne lui excusera jamais. Il l’a dit en ces termes : « nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir parce que nous étions des nègres. […] Cette indépendance du Congo, si elle est proclamée aujourd’hui dans l’entente avec la Belgique, un Congolais digne de ce nom ne pourra jamais oublier, cependant, que c’est par la lutte qu’elle a été conquise. » Douche froide : 1-0 en langage Kinois. La foule exulta, le roi Belge fut les pieds dans ces pattes.
Ce dont les jeunes générations devraient s’approprier est ce triomphe, 6 décennies après. Celle conquise un peu comme par Fama dans le Soleil des indépendances (Ahmadou Kourouma, 1968). L’acte de Lumumba, avec toutes ses faiblesses et utopies, est une discursivité sérieuse symbolisant notre revanche contre l’humiliation coloniale. Dans la mesure où toute une société riche de traditions, de rites et de rêves fut partie en fumée suite au « crime colonial ».
Sans cimetière, la dépouille de ce jeune homme de 36 ans devrait devenir notre « patène ». Une part de l’eucharistie que se partageraient les Congolais et africains, réunis en l’occasion de la commémoration du 30 juin. Ce ne serait pas seulement, une messe pittoresque de la négritude ou une chronique de la décolonisation. Mais, une réminiscence au-delà des particularismes régionaux : la victoire contre la tyrannie, l’oppression et la déviance humaines. Ce haut fait langagier doit résonner encore sous les oreilles de jeunes générations malgré que l’historicité et son interprétation symbolique ont été falsifiées et mal interprété par l’histoire néo-coloniale. Celle-ci devrait être réécrite, comme le notait d’ailleurs P.E Lumumba, lui-même certes. Mais, elle doit être, de fond en comble, repensée et retirée inexorablement de l’influence paternaliste ambiante actuelle, 60 ans après.
Retour aux rêves des pères
A l’esprit festif du 30 juin, il faudra un come-back collectif vers les rêves nobles qu’ont portés ces pères de l’indépendance. Ces jeunes gens sortis à peine de l’école moyenne, en majorité, caressaient le rêve d’une justice distributive, de l’unité, de la paix et du développement au Congo.
Si, lors du coup d’État du 24 novembre 1965, Mobutu autoproclamé président a su, en quelques années, vidé le contenu de ces rêves, par l’institution d’une véritable dictature. Il y a lieu de penser qu’il est temps d’arrêter cette dynamique. Une descente aux enfers de l’Etat post-colonial où les princes de trois régimes successifs ont acquis des pouvoirs exceptionnels. Mobutu en a cumulé les fonctions de premier ministre, de chef de l’armée et de législateur. Il nommait les ministres. Le Mouvement populaire de la Révolution(MPR) fut le parti-État auquel toute la population adhéra.
Laurent Désiré Kabila, sous les oripeaux de l’Alliance des forces démocratiques de libération (AFDL) a embarqué le peuple, après sa prise de fonction du Chef de l’Etat, le 17 mai 1997, dans une aventure vers le Comité du Pouvoir populaire (CPP) en 1999. Celle-ci s’avéra en réalité, un « conglomérat d’aventuriers » ayant mis à feu et à sang, la République. Cette entreprise sera poursuivie par Joseph Kabila dans sa forme néo-patrimonialisée (Michael Bratton et Nicolas Van de Walle, 1994) et criminelle.
A l’ouverture démocratique depuis l’arrivée au pouvoir d’Etat de Félix-Antoine Tshisekedi en janvier 2019 après les élections dont les résultats sont fortement contestées par l’opposition politique et le prélat catholique, ces utopies de pères de l’indépendance pourraient trouvées un début de matérialisation. Car, la tendance est à l’indépendance de la justice, comme on en vue lors du procès de 100 jours et la levée de boucliers suscitée contre les 3 propositions des lois sur la réforme judiciaire initiées par 2 députés du Front commun pour le Congo (FCC) de l’ex-président Joseph Kabila (2001-2019).
La société Congolaise appelle ainsi à une véritable démocratisation. Or, pour être démocratisé, l’Etat Congolais a besoin d’un élément clé, le changement de culture politique. Définie comme les idées, attitudes et croyances politiques partagées qui sous-tendent une société démocratique, la culture politique est toujours liée à la manière d’exercer ou de contrebalancer le pouvoir.
Adopter le Pacte démocratique du 30 juin sous forme d’un secret code
Sous forme d’un aggiornamento, les forces sociales et politiques sont appelées, pour sceller avec un désir ardent ce pacte et d’intégrer ces rêves de pères de l’indépendance dans leurs pratiques et discours. D’ailleurs, ces ambitions de grandeur sont largement détaillées dans les dispositions constitutionnelles, en ses articles 1, 2, 5, 13 et 16. Ceux-ci affirment respectivement l’Etat de droit, l’indépendance, la souveraineté, l’unité et l’indivisibilité, la démocratie et la laïcité.
En effet, sous forme de secret code, les forces sociales et politiques où qu’elles soient, se rappelleront toujours de cette tâche noble. Celle de matérialiser ces rêves. Cet exercice sera donc à toute autorité politique et civile lors de l’exercice de leurs fonctions officielles. Mais aussi, enseigner et intégrer ces rêves dans nos programmes éducationnels en vue de forger un nouveau type d’homme Congolais, au service de la société. Dans cet élan, la RDC aura à gagner dans le concert des nations face aux choix stratégiques du monde. Comme le disait, le neurologue français Boris Cyrulnikdans « Ivres paradis, bonheurs héroïques » : « le héros est un remède contre la faiblesse naturelle des enfants, la blessure relationnelle des adultes ou l’humiliation historique d’une nation ».
D’où, nous devons absolument utilisés les rêves de nos pères de l’indépendance dans nos programmes politiques quelques soient les différences d’opinions, de tribus et de croyances pour forger notre avenir commun en péril. Ce serait enfin un sentiment d’espoirs face à nos « calamités » et une source d’inspirations pour les jeunes générations de perpétuer le combat de la liberté et de l’honneur. Ce, en vue de libérer la RDC, du long sommeil !
Alain Parfait Ngulungu – Association Congolaise de Science Politique (ACSP)