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Scènes de la vie matinale dominicale à Kinshasa: bruits, incantations, sonos des églises, cris de vendeurs ambulants…

Après avoir, tant bien que mal et durant une bonne partie de la nuit, supporté la bruyante sono de la musique «adulte» dédiée à la «fête de collation» d’un môme de la maternelle, je suis brusquement réveillé à 5h30 par les incantations non moins bruyantes d’un prédicateur ambulant. Je crois entendre : « Au nom puissant de Jésus, na telemeli misala ya mabe (Au nom de Jésus, je m’insurge contre tous les effets maléfiques du diable)».

Je rouspète pour ce tapage si matinal. On me fait savoir dans la maison que c’est plutôt bien. « A zo bengana ba démons. Ba satana baleki trop na quartier oyo» (laisse le; il chasse les démons. Il y a trop de sorciers dans ce quartier), me fait-on savoir. Au fond de moi, je me dis qu’il a peut-être raison puisque même le chef de l’État a été obligé de prier fortement pour remettre le pays entre les mains de Dieu.

Aussitôt que je replongeais dans mon sommeil, en attendant de suivre les informations sur Top Congo, Radio Okapi et RFI, j’entends un gars qui crie « Matiti na zo lokota (je suis là pour ramasser les ordures)». Avec sa charrette (Ndlr pousse-pousse, on dit ici), il vide les poubelles pour 1000fc. On ne sait toutefois pas où il jette les immondices qu’il récolte. Dans le quartier, un monsieur a même créé une sorte d’Ong qui s’en occupe. Cotisation : 7500 fc par mois pour trois ramassages d’ordures par semaine. Belle initiative si une centrale de récupération et d’évacuation de ces ordures ménagères existait.

A peine le charrettier quittait le lieu qu’un autre «petit» criait « Na zo réparer mapapa, chaussures pe kotia cirage (je répare les chaussures et les cire)». A sa suite, le «petit de vernis à ongles» faisait s’entrechoquer ses flacons pour rappeler aux dames qu’il était là pour elles.

Je me suis dit que la journée était bien lancée. Je n’avais pas tort puisque le «petit» chargé par la Snel de s’occuper de nous ouvrait la grille pour me dire « Papa, comme tu sais, si nous voulons avoir du courant aujourd’hui pour suivre le match, il faut cotiser pour les agents de la Snel. Même 1000 fc par parcelle». Sans réfléchir puisque la pratique est connue, je lui remets les 1000 fc demandés, sinon pas de courant durant cette journée dominicale.
Pendant que je regle le cas du «petit ya Snel (Société nationale d’électricité)», les techniciens de trois églises sœurs de la rue s’affairent déjà avec leurs fortes sonos pour nous rappeler que ça sera chaud pour nos tympans. Puis, j’entends un gars crier dans un mégaphone « Mbongo epasuka na’o zua; francs, dollars e beba na’o zua pe ko changer (je vous échange vos billets de dollars ou de francs congolais déchirés ou abîmés)». Là, ça ne m’étonne pas, puisque j’ai déjà eu à recourir à l’un d’eux pour échanger un billet de 10$ «déchiré» contre 9$ remis.

Juste après, c’est une dame qui crie elle aussi « Ndunda, pondu, matembele, na ba épices yang’oyo. Na zo faciliter bino» (je vous facilite et viens vous vendre des légumes et des épices). S’ensuit une autre dame. Je l’entends discuter avec ma fille devant la grille de la parcelle. Je m’approche, je vois son attirail. Dans son gros sac, un petit rechaud à pétrole, une poêle, des œufs, des épices, de l’huile et de la charcuterie de bas prix. « Papa na salaka ba omelettes ya pamba, na tiaka pe ya charcuterie to ya sardine. Ça dépend na yo. 500 fc, 1000fc tiii (Papa, je cuisine des omelettes avec ou sans charcuterie/sardine)». Elle est accompagnée de sa fille, son assistante. Kinshasa est donc une découverte permanente.

Oufff. Il est juste 8h00. Dans l’attente de la marche « interdite» ou «non autorisée» de Lamuka (Coalition de l’opposition), je me dis que le dimanche est bien engagé – quand se pointe la dame qui nous livre des pains à crédit à payer le soir. « Maman pesa comme d’habitude (Maman donne nous notre quantité de pain habituel)», lui dis-je. Quand la «maman des pains» quitte la parcelle, j’entends au loin un gars lancer : « Milangi ya vide na’o somba (je vous rachète vos bouteilles vides)» avant qu’une autre dame enchaîne : « Na’o sokola bilamba (je vous propose mes services de lavandière à domicile)» tandis qu’une jeune fille fait, elle aussi sa ronde : «Na’o kanga pe ko bongisa suki (je peux vous faire des tresses ou arranger celles qui sont abîmées) ».
Ma dose matinale est pleine. Ce ne sont pourtant que quelques scènes ordinaires de la vie dans Kinshasa qui s’éveille.
Mona Kumbu

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