Joseph Kabila Kabange, ancien président de la République démocratique du Congo (RDC), à qui l’actuel chef de l’État, Félix Tshisekedi, a succédé, est récemment sorti de son silence en publiant une tribune dans un média sud-africain. Une prise de parole inattendue qui n’a pas manqué de susciter des réactions divergentes de tous bords.
Cependant, au-delà du contenu de cette tribune, qui n’engage que son auteur, une question essentielle se pose : pourquoi maintenant ? Quels en sont les enjeux à court et à long terme dans le climat politique actuel ?
Une stratégie mûrement réfléchie
Joseph Kabila, souvent perçu comme un homme de silence, a longtemps cultivé une image de sagesse. Pourtant, derrière cette apparente réserve se cache un fin stratège politique. Son intervention ne relève pas du hasard : elle s’inscrit dans un agenda soigneusement élaboré par des acteurs ayant des intérêts majeurs en RDC.
Il apparaît clairement que cette sortie médiatique est une tentative d’influencer le cours des événements en faveur de certains protagonistes en difficulté. En effet, le président rwandais Paul Kagame, de plus en plus isolé sur la scène diplomatique, voit en Joseph Kabila une carte de dernier recours pour détourner l’attention de l’implication avérée du Rwanda dans la crise du M23. L’objectif serait d’imposer la thèse selon laquelle le conflit à l’Est de la RDC est une affaire purement congolaise, excluant ainsi la responsabilité du régime de Kigali. Or, les multiples rapports des Nations unies ont déjà établi, preuves à l’appui, l’implication directe du Rwanda à travers ses forces armées (RDF) et leur soutien logistique au M23.
Un contexte de pressions internationales accrues
Les récentes sanctions visant James Kabarebe, bras droit et architecte militaire du système Kagame, constituent un coup dur pour Kigali. Conscient que l’étau se resserre, Paul Kagame tente une nouvelle manœuvre en mettant en avant Joseph Kabila comme une alternative politique capable de semer la confusion à Kinshasa.
Félix Tshisekedi, imprévisible dans sa gestion du dossier sécuritaire, a su déjouer plusieurs tentatives de déstabilisation et s’imposer sur la scène internationale en dénonçant le rôle de Kabila dans la crise actuelle. Depuis plusieurs mois, il martèle que Joseph Kabila est le véritable parrain de l’AFC de Corneille Nangaa, allié du M23, une affirmation qui semble aujourd’hui se confirmer au regard des développements récents.
Une manœuvre pour fragiliser Kinshasa
L’intervention de Joseph Kabila coïncide avec une phase critique du conflit : après la prise de Goma fin janvier 2025, puis celle de Bukavu quelques jours plus tard, les ambitions de l’axe Kabila-Nangaa-Kagame semblaient s’étendre jusqu’à Kinshasa. Néanmoins, cette prétention s’est avérée être une illusion de grandeur, contrecarrée par la résilience des institutions congolaises et la mobilisation diplomatique en faveur de la RDC.
Dans cette dynamique, la stratégie des adversaires de Kinshasa est claire : créer un climat de tension en poussant le gouvernement à commettre une erreur stratégique, notamment en lançant des poursuites judiciaires contre Joseph Kabila ou en saisissant ses biens. Une telle initiative fournirait à l’ancien président un prétexte pour engager une confrontation directe avec le pouvoir en place, exacerbant ainsi l’instabilité politique.
Un piège à éviter absolument
Le gouvernement congolais doit faire preuve de vigilance et éviter de tomber dans ce piège soigneusement tendu. S’attaquer frontalement à Joseph Kabila en ce moment précis pourrait entraîner une crise comparable à celle ayant opposé Denis Sassou-Nguesso et Pascal Lissouba au Congo-Brazzaville, avec des conséquences désastreuses pour la stabilité institutionnelle. Une telle déstabilisation profiterait uniquement aux ennemis de la République et affaiblirait davantage le pays.
Il est impératif que Kinshasa reste focalisé sur ses priorités, notamment la sécurisation du territoire, la poursuite des réformes et le maintien de ses acquis diplomatiques. Toute réaction précipitée face aux provocations de Joseph Kabila ne ferait que servir les intérêts de ceux qui cherchent à plonger la RDC dans une nouvelle ère de chaos.
L’heure n’est pas à la dispersion, mais à la consolidation des avancées stratégiques pour garantir la souveraineté et l’intégrité du pays.
FNK