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Dans les coulisses du commerce du chanvre à Kinshasa

La commercialisation et la consommation du chanvre communément appelé “DIAMBA” sont interdites sur le sol congolais. Pourtant, le chanvre est bel et bien présent dans nos cités et quartiers. Où est-il planté ? Comment arrive-t-il à Kinshasa ? Lisapo est allé à la rencontre d’un grossiste et d’un détaillant.

« Kinshasa, capitale de la RD Congo dépend des provinces pour s’approvisionner en denrées de première nécessité ». C’est en ces termes que Papi, ce Kinois fournisseur en gros de chanvre, engage l’interview. « Le commerce du chanvre obéit à la même logique. Nous dépendons essentiellement de trois provinces : le Kongo Central, l’ancienne province du Bandundu et celle de l’Équateur », explique-t-il. Une province émerge du lot grâce à sa proximité avec Kinshasa mais aussi grâce à la qualité de ses produits : « Le chanvre qui provient du Kongo Central reste le plus recherché à Kinshasa à cause de ses effets stimulants et énergisants », précise Papi. Et il ajoute : « Ce chanvre met généralement 12 semaines pour fleurir (environ 3 mois) et quelques jours pour sécher. Il peut pousser jusqu’à atteindre environ 1 mètre et demie de hauteur ».

Certaines zones spécifiques du Kongo Central sont réputées produire le top du top. Le village Nkamuna, à une centaine de kilomètres de Kisantu est considéré comme le berceau du meilleur chanvre de la RD Congo. D’ailleurs, ce village a donné son nom à ce chanvre consommé à Kinshasa. Quand quelqu’un consomme du chanvre qui est fort en teneur et produit les effets escomptés, les Kinois ont coutume de dire « Oyo vrai Nkamuna » (ça c’est du vrai Nkamuna). Quant au chanvre produit ailleurs au Kongo Central, il est baptisé « ndiamba ya mboka mboka » (entendez un « chanvre quelconque »).

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Le chanvre produit en province est acheminé à Kinshasa dans des sacs, hermétiquement fermé et caché au milieu d’autres produits de consommation courante, braises, légumes, etc. « Il est vendu au poids. La mesure standard est la boîte de lait de 1.800 grammes. Un sac peut contenir 5 à 7 boîtes de 1.800 g ; le prix varie d’un village à un autre », confie Papi.

Le coût de cet « Or vert » dépend des saisons. « Pendant les 9 mois de saison de pluie (de septembre à mai), il y a abondance », dit Papi. Le prix d’une botte de 1800 grammes dans les plantations se négocie entre 7.500 Fc et 10.000 Fc. Mais pendant la saison sèche, les prix doublent ou triplent dans les plantations. « Tu peux avoir une botte de 1 800 grammes à 15.000 Fc, voire même 25.000 Fc », déclare Papi.

Un réseau de distribution confidentiel

La RD-Congo interdit la consommation de chanvre. Alors comment s’y prennent les producteurs de chanvre pour écouler leur marchandise illicite ? Toni, un grossiste, explique. « Depuis les plantations, les colis sont acheminés directement dans les -guichets- (point de vente) pour distribution ou vente auprès des détaillants. Un fournisseur organisé ne peut avoir qu’un seul guichet ».

À la question de savoir pourquoi, Toni révèle que c’est pour échapper à la vigilance de la brigade anti-drogue et mieux contrôler son business. « Ce n’est pas une mince affaire d’être fournisseur », signale Toni qui se targue de détenir 15 années d’expériences. Ces années dans le business lui ont permis de créer une PME spécialisée dans le transport en commun.

Pour intégrer le business, selon Toni, il faut être parrainé. « Car, un non-initié ne peut survivre face à la police des frontières ou à la brigade anti-drogue », insiste-t-il. « Malgré mes années d’expérience dans le milieu, j’entretiens quelques relations utiles au sein des services de la Police. Sinon, c’est la case prison assurée », reconnait Toni. Et il ajoute qu’il faut aussi bien connaître la filière de production de la bonne « substance ».

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Le rôle du grossiste terminé, c’est au tour du –Mogrosso– (dans le jargon kinois, nom donné au petit dealer de quartier) de prendre le relais et de servir les consommateurs. « Comme bien d’autres plantes végétales, la conservation du chanvre dépend des conditions de température et d’humidité » fait savoir Matou, un Mogrosso de Kingabwa : « Le chanvre ne supporte pas une température chaude et il doit être à l’abri des souris et des rats qui en raffolent ».

Le chanvre, communément appelé cannabis, est l’une des plus anciennes plantes connues du règne végétal, en raison de ses caractéristiques botaniques et chimiques et de son utilité dans le traitement de certaines maladies. Il est l’un des premiers stupéfiants consommés par les Kinois.

JW

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