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Dissoudre l’assemblée nationale pour quel gain politique ?

« Le président de la République dissout l’assemblée nationale, nomme de nouveaux dirigeants à la tête de la CENI, organise les élections et se tape une nouvelle majorité parlementaire. Il nomme alors son premier ministre et constitue un nouveau gouvernement répondant mieux à sa vision politique ». Voilà la réflexion d’un combattant au cours d’une discussion assez vive ce matin du 22 janvier 2020. «Neti na film» (ndrl, comme dans un film), diraient certains. Sauf que dans la vraie vie, ce n’est pas si facile que ça.

Oui. Il n’y a pas d’avis à requérir des présidents des deux chambres du parlement ou du premier ministre de la part du président de la République pour dissoudre l’assemblée nationale. Il les consulte ou les informe. Il prend ensuite souverainement sa décision par ordonnance. Pour le cas d’espèce, son ordonnance n’a pas besoin du contreseing du premier ministre. Publiée au journal officiel, l’ordonnance de dissolution est d’application.
Dissoute, l’assemblée nationale ne peut logiquement plus se réunir en tant que chambre basse du parlement. Pas d’assemblée nationale en fonction, pas de congrès et donc impossible d’accorder au procureur général près la cour constitutionnelle l’autorisation de poursuites ou de mise en accusation du président de la République pour « haute trahison ». Libre de ses mouvements, le président peut donc mettre en branle la suite.

Oui, tout peut paraître si facile, mais le faisant le président doit rechercher un but à atteindre : avoir sa propre majorité au parlement. A-t-il les moyens d’organiser des législatives anticipées dans les 60 jours? Il lui faut au minimum trouver rapidement 300 à 400 millions de dollars pour ce faire. Les aura- t-il si facilement? Compte-t-il sur ses soutiens extérieurs? Rien n’est sûr.
Bien plus, va-t-il organiser ces élections s’il en a les moyens financiers avec la même CENI de Nangaa et la même Cour constitutionnelle ? Sans l’assemblée nationale qu’il aura dissoute, impossible de réformer la CENI. Pas de CENI réformée et renouvelée dans sa composition, la dissolution ne serait finalement qu’un coup de poker. Son action ne risque-t-elle pas d’être un pétard mouillé? L’Udps, son parti, est-il prêt à affronter des législatives anticipées et à les gagner? Autant de questions, autant de préalables à prendre en compte avant de déclencher cette procédure de dissolution.

C’est une arme redoutable entre les seules mains du chef de l’État, à n’utiliser que comme « prise de finition », comme disent les catcheurs. Et, surtout avec la certitude qu’il en sortira le grand vainqueur. On peut se rappeler de Jacques Chirac qui avait dissout l’assemblée nationale française en 1997 pour se forger une nouvelle majorité alors qu’il en avait déjà une, mais qui s’est retrouvée avec une gauche majoritaire et fut contraint à la cohabitation avec le socialiste Lionel Jospin comme premier ministre.
On peut par ailleurs noter qu’une dissolution dans le contexte actuel peut accentuer l’incertitude politique qui règne dans le pays.

Félix Tshisekedi a du reste bien dit qu’il n’envisageait pas de prendre une telle décision, mais qu’il le ferait si on l’y poussait tout en reconnaissant par ailleurs que cela plongerait le pays dans la crise. Une crise qui ne profiterait à personne. La dissolution est certes une arme redoutable entre les mains du chef de l’Etat, mais elle doit lui permettre en principe de résoudre une crise ou un blocage institutionnel en cours ou à venir. C’est peut-être le cas actuellement, mais le président en tirera-t-il un gain politique significatif ?

Mona Kumbu

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