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Bourgmestre de Kimbanseke, le Pr Edouard Gatembo livre ses recettes dans la traque des «Kuluna »

Dans la lutte contre le Kuluna chacun est maître de sa propre sécurité », Professeur Gatembo Bourgmestre de Kimbanseke

A Kinshasa, le banditisme de rue est devenu l’un des problèmes de société de premier plan. Le Pr Edouard Gatembo, Bourgmestre de la commune de Kimbanseke, dans la banlieue Est de Kinshasa, estime que le Kuluna résulte de la délinquance juvénile et que la solution réside dans l’éducation de ces jeunes. Il propose entre autres l’initiation des kuluna aux travaux d’assainissement. Les pistes de solution proposées par le Pr Gatembo à sa hiérarchie, n’ont malheureusement pas été suivies… Entretien.

Lisapo : Votre commune est réputée comme l’un des bastions du banditisme urbain communément appelé Kuluna. Le savez-vous ? 
Pr Gatembo : Oui, je suis au courant de cette situation. J’ai même fait des études et j’ai proposé des solutions à la hiérarchie. Malheureusement celle-ci n’a pas mis en pratique mes propositions. En ce qui me concerne, je pense que c’est de la délinquance juvénile. Tout le problème réside dans le manque d’éduction. D’où, il faut prendre tous ces jeunes gens du moins ceux qu’on connait, les soumettre à des séances de rééducation et trouver de l’emploi à ceux qui sont en âge de travailler. C’est vraiment un phénomène qui existe dans tout Kinshasa.
Quels sont les quartiers les plus touchés dans votre commune ?
Chez nous, ce phénomène existe dans presque tous les quartiers. Mais avec le temps, nous sommes parvenus à réduire tant soit peu l’impact des Kuluna.  Actuellement les localités les plus dangereuses sont Kikimi, Bikuku et leurs environs. Bref, nous avons réussi à repousser les kuluna très loin. C’est quasiment la jungle la plus totale. Nous y avons d’ailleurs concentré toutes nos recherches pour voir dans quelle mesure nous parviendrons à mettre fin à ce banditisme de rue.
Quelles sont vos stratégies pour protéger vos administrés ?
Quand je suis arrivé, j’ai trouvé cette situation. Comme je ne pouvais pas croiser les bras, il me fallait proposer des pistes de solution. Et j’ai institué la méthodologie selon laquelle chacun d’entre nous était le maître de sa sécurité. Par conséquent, chaque individu est appelé à communiquer à l’autorité tout ce qui entrave son bien-être, sa quiétude, bref, sa sécurité. Par exemple, si vous vivez à côté d’un voleur, prière de le signaler même s’il ne vous a jamais volé. L’autre chose était d’identifier les gens en uniforme donc les policiers. Je croyais qu’avoir un nombre élevé de policiers, était un motif de réjouissance, mais je me suis trompé. Ils constituent une source de beaucoup de problèmes, plus particulièrement d’insécurité. Beaucoup d’entre eux sont tenanciers des maisons de vente des stupéfiants, ce qui veut dire qu’ils entretiennent aussi des liens étroits avec ces Kuluna.

Mais je peux affirmer aujourd’hui que j’avais proposé, il y a un temps, deux pistes de solution dans l’encadrement des jeunes Kuluna. D’abord les initier dans les travaux d’assainissement de leurs quartiers. Pendant cinq jours de la semaine, ils étaient occupés à travailler.  Et les deux jours du week-end, les éduquer par le théâtre, les colloques par exemple.

Puis faire comme ce fut le cas dans nos villages. Les emmener en dehors de leur milieu naturel, car chez nous l’initiation était faite en dehors du village, dans la forêt. C’est là qu’on apprenait à ces jeunes adultes comment devenir un mari responsable après la circoncision, quel métier choisir. Je pense aussi que si on tentait de faire pareil avec nos jeunes gens, les sortir de la ville, loin de l’INPP, les aider à se réorienter, etc, certains ne seraient peut-être plus rentrés ici car ils auraient appris à se débrouiller.  Et Kinshasa aurait éradiqué un sérieux problème. Et ce, dans l’intérêt général. Savez-vous que les pays européens nous envoient certains prisonniers pour des travaux forcés ?                             

Peut-on dire que vous avez réussi à réduire ce phénomène dans votre entité?

Je ne peux affirmer cela car le problème est loin d’être résolu. Nous avons remarqué que le phénomène ne fait que s’amplifier. Avant c’était des jeunes gens en âge avancé qui pratiquaient ce banditisme de rue. Mais hélas, même les plus petits leur ont emboité les pas. Il nous arrive d’en appréhender quelques-uns, de les emmener en prison. Dommage qu’au bout de quelques jours, vous les revoyez se pavaner dans les rues. Voilà pourquoi je suis convaincu que seule l’éducation peut nous aider à décanter cette situation. Que chaque adulte éduque chaque petit. J’ai apprécié l’implication du chef de l’Etat dans cette lutte. Je suppose qu’il pèsera de tout son poids pour que cela réussisse. Vous savez, nous sommes un peu à l’aise par ce qu’ils ne sont pas encore armés. Autrement, nous parlerions de Boko Haram, de l’Etat islamique. Il est donc grand temps de remédier à ce phénomène. Le droit de l’homme n’est à mon avis valable que lorsqu’il y a le respect mutuel. On respecte tes droits, si tu fais pareil avec autrui.


Quel est l’état de collaboration entre la police et la population ?
Il y a un grand problème. On a l’impression qu’il existe deux autorités à savoir civile qui est le bourgmestre et militaire qui est le commandant de district. Alors que ce dernier est là pour épauler le premier. J’avoue que cela dépend de commune mais en ce qui nous concerne, nous n’avons pas de très bonnes relations. Je crois qu’il faut redéfinir les choses avec eux pour qu’ils comprennent que nous sommes appelés à travailler ensemble et qu’ils sont sous l’autorité du bourgmestre.
Quid des maitres volontaires ? 
J’aime bien. Ils sont venus nous proposer leurs idées pour que nous combattions ensemble ce phénomène. Mais ils sont souvent butés à beaucoup de difficultés notamment le manque de moyens pour mener à bien leur mission. Toutefois, ils nous sont d’une grande utilité du fait via leurs clubs, ils arrivent à encadrer ces enfants en crise d’adolescence. Le seul problème est qu’il arrive que certains de ces maîtres soient eux-mêmes des kuluna. Ils se rapprochent de nous pour pouvoir apprendre nos stratégies et aller divulguer auprès de leurs amis.
Quel souvenir laisseriez-vous à la population de Kimbanseke ?
Je suis arrivé à Kimbanseke pas comme bourgmestre. Dieu merci, j’ai été promu. Mon seul objectif était le développement de cette commune. Certes il y a eu des avancées en matière de sécurité mais pas dans toutes. Le seul hic à mon avis demeure l’insalubrité. Je pense que si la population se met à respecter mes ordres, nous irons de l’avant. Merci !  
Propos recueillis par Bahati Kasindi

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