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Élections en RDC : Mettre fin au système mixte de gestion (Tribune d’Alain Kilapi, expert électoral)

L’organisation des élections a pour but la désignation par les électeurs de leurs représentants à un niveau donné de responsabilité. Cette organisation requiert des compétences spécifiques et exige qu’une ou des institutions soient chargées des activités électorales. En jargon technique ces instituions sont appelées organisme de gestion des élections OGE.

Un OGE peut être permanent, temporaire ou mixte. Permanent quand il engage de façon pérenne son personnel, temporaire quand il est convoqué pour organiser un scrutin et dissout par la suite, mixte comme le cas de la RD Congo où l’administration, secrétariat exécutif national et ses démembrements sont pérennes et la Plénière qui est temporaire (six ans et composée par les forces au parlement et les organisations de la société civile).

L’organisation des élections en RD Congo ne date pas d’aujourd’hui. En 1952 pour la première fois au Congo Belge, l’idée d’imaginer l’organisation des élections pour ceux qu’on avait coutume de désigner sous le vocable indigène, est évoquée.

En 1955, la question de l’émancipation urgente des populations colonisées se pose avec brutalité, à l’image du publiciste J. Van Bilsen. C’est le 8 décembre 1957 qu’ont lieu les premières élections municipales à Kinshasa. Le 22 décembre de cette même année à Lubumbashi et à Likasi, les élections se déroulent dans un climat de chaleur antagoniste.

Le 01 décembre 1959, on organise les élections, au suffrage universel, des conseillers communaux et des membres des conseils de territoires dans les milieux ruraux.  Du 11 au 25 mai 1960, soit un mois avant l’indépendance, d’autres élections législatives, nationales et provinciales sont organisées.

En 1965 sont organisées à Kinshasa les premières élections générales du Congo post-colonial. Prévues initialement pour le 10 janvier 1965, ces consultations sont reportées au 31 janvier pour des raisons liées aux difficultés d’ordre matériel.

Le 24 novembre 1965, La deuxième République qui commence va chercher à se légitimer en organisant des consultations populaires avec le référendum constitutionnel national du 4 au 23 juin 1967. C’est dans un contexte de dictature naissante que la constitution du 24 juin 1967 est adoptée avec 97,8% de votes positifs.

Pour la première fois, les femmes votent. Et dix ans plus tard, après un intermède d’élections dites authentiques en 1975 (acclamation des listes), le président Mobutu procède en 1977, après la première guerre du Shaba, à des pseudo-réformes qui mettent fin à l’histoire des élections démocratiques au Congo.

En 1984, les élections sont remportées par le président et son Parti-Etat, le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), avec 99,90% des voix. Le 24 Avril 1990 marque un tournant majeur dans l’histoire de la RDC. En effet, ce jour, le Maréchal Mobutu tirant leçons de sa mégestion qui a conduit ce grand pays d’Afrique au fond de l’abîme, de la fin de la guerre froide et hanté par la mort de son ami Nicolae Ceausescu, décide d’ouvrir l’espace politique congolais au multipartisme.

Le 7 Août 1991 débute au palais du peuple, la plus longue conférence nationale qui ne débouchera malheureusement sur aucun résultat positif. Il faut attendre le 17 Mai 1997 pour que les troupes de l’AFDL conduites par Mzee Laurent Désiré KABILA viennent à bout du Marechal Léopard.

Le 02 Août 1998, une autre guerre éclate en RDC, cette fois, elle commence à Kinshasa, avant de s’entendre à l’Est en passant par Kitona au Kongo central. Le 10 Juillet 1999, un accord de cessez-le-feu est signé par les belligérants en conflit en RDC et préconise la tenue du dialogue intercongolais sous l’égide de l’ex Président botswanais, Ketumile MASIRE. Cet accord ne sera jamais appliqué.

Le 16 Janvier 2001, Mzee KABILA, mort assassiné, est remplacé quelques jours après par son fils Joseph KABILA. Le 19 Avril 2002 à Sun City en Afrique du sud, l’accord global et inclusif est signé, après que le nouveau et jeune Chef de l’état, Joseph Kabila ait décidé de relancer les recommandations de Lusaka.

De cet accord global et inclusif naitront les institutions d’appui à la démocratie, parmi lesquelles, celle qui nous intéresse, la Commission électorale indépendante(CEI), dirigée par l’abbé Apollinaire Malumalu.

S’il fallait continuer dans la logique traditionnelle, une équipe du ministère de l’intérieur devait organiser les scrutins mais il se posait deux problèmes majeurs.

Le premier, lié à la méfiance. Les belligérants, ex rebelles et le pouvoir en place se méfiaient mutuellement, il n’était pas question de confier l’organisation des scrutins d’après-guerre à une entité du ministère de l’intérieur  dont les agents étaient supposés être subordonnés au pouvoir de Kinshasa.

Le deuxième, était purement technique. Les dernières élections sous Mobutu et le recensement de la population dataient de 1984, soit plus de deux décennies. Il n’existait plus aucun fichier de l’état civil à jour.

Comme solution au premier problème, il fallait avoir des représentants de toutes les forces politico-militaires et de la société civile au Bureau de la centrale électorale. Pour le second problème d’ordre technique, il a été confié à la centrale électorale la charge d’identifier et d’enrôler les électeurs, en l’absence d’un fichier de l’état civil d’où devrait être extraite la liste des électeurs.

Plus de quarante ans après la tenue des dernières élections démocratiques, après plus de vingt ans des guerres meurtrières qui ont couté la vie à des millions des Congolais et après cinquante ans de contestation de pouvoir, il était impérieux de légitimer le nouveau pouvoir issu des élections pour consolider la paix. C’est au regard de ce qui précède qu’une forte sensibilisation a été faite afin d’amener le grand maximum à voter et se sentir lié au résultat pour mettre  terme à toute autre forme d’accession au pouvoir.

Des centaines de millions de dollars américains furent déboursés pour organiser ces élections, des campagnes motorisées en pompe aux allures de sortie des films hollywoodiens furent organisées. Le décor EVENEMENTIEL fut planté sans dire son nom.

Ces élections de 2006 avec l’abbé Malumalu ont permis à la  RDC de se doter d’une main d’œuvre électorale experte qui depuis fait des preuves même dans d’autres pays africains. Les cas de Corneille Nangaa Yobeluo, Ronsard Malonda Ngimbi, Dunia Ramazani et Flavien Misoni Mbahaye sont plus qu’éloquents.

Ces élections de 2006 ont aussi doté le pays des institutions démocratiques, ainsi pour la première fois de notre histoire, le 26 Janvier 2019, nous étions témoins de la première alternance politique pacifique et démocratique qui n’a pas manqué d’honorer Kasavubu et Lumumba.

Le nouveau leadership au pouvoir, après que le Congolais ordinaire ait compris que seules les élections mènent au pouvoir, allons-nous continuer avec cet esprit “événementiel” et dépensier ?

Les élections doivent être un cycle ordinaire et non une occasion de débourser des millions en termes de charge répétitive (kit d’enrôlement, infrastructure télécoms pour la transmission des données, logiciel de nettoyage du fichier électoral…).

Aujourd’hui les confessions religieuses se déchirent, pour non pas être église au milieu du village mais pour placer un village au milieu des églises. Pourquoi se lancer dans la course à la désignation du Président sans pour autant définir un critérium à remplir par les candidats à retenir ? Pourquoi ne pas exiger au Parlement d’analyser avant la désignation de nouveaux animateurs les points relatifs :

  • A la suppression du seuil électoral introduit seulement en 2018
  • Au retour du scrutin présidentiel à deux tours
  • A l’organisation des élections commençant par la base : municipales et locales
  • Au changement du mode de scrutin des gouverneurs au suffrage universel direct
  • A l’interdiction de se porter candidat à plusieurs postes à la fois
  • A l’interdiction à tout député de retrouver son siège, une fois qu’il perd une fonction à laquelle il était promis.

Afin de remédier aux deux soucis évoqués à SUN CITY, nous préconisons :

  • Mettre fin au système mixte de gestion des élections et confier cette tâche au Secrétariat exécutif national qui en a l’expertise (Ronsard  Malonda et compagnie)
  • Organiser le recensement général de la population (Ministère de l’Intérieur) qui débouchera sur la confection d’un registre fiable avec attribution d’un numéro d’identité numérique à chaque citoyen. Ce numéro d’identité numérique sera unique et pour toute la vie.
  • A cette identité numérique seront attachées toutes les informations du détenteur (Fiscalité, situation maritale, casier judiciaire, scolarité, carrière professionnelle…)
  • En période électorale, en fonction des critères légaux, la liste des électeurs sera tirée de cette base des données du Ministère de l’Intérieur.

Alain KILAPI

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