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Kinshasa : Quand la viande de chien est préférée à celle de la chèvre

Autrefois apanage des Kasaïens (habitants du centre de la RDC), manger du chien a gagné d’autres tribus de la RD Congo. Voire certains étrangers qui y habitent.

Dans la capitale Kinshasa, on ne compte plus le nombre de « restaurants » qui servent spécialement ce mets qui s’est installé dans les habitudes alimentaires de bien des Kinois. Un seul et même refrain revient chez tous les consommateurs : « le chien a meilleur goût que la chèvre », affirment-ils à haute et intelligible voix. Ambiance.  

Dimanche, 10h00. La terrasse située à un jet de pierres de l’arrêt Libaya, au quartier Kauka, ne désemplit pas. Les tables, dressées à l’ombre des arbres, sont à trois quarts occupées. Les clients arrivent par vagues successives. Certains à moto, d’autres à pieds. Renseignements pris, ce beau monde ne vient pas que pour boire la bière, qu’on retrouve à chaque coin de rue de Kinshasa. Mais pour manger du chien. Le restaurateur est arrivé trois heures plus tôt, à 7 heures, pour abattre le premier chien acheté la veille. Un habitué des lieux montre du doigt une grosse marmite qui fume sur le feu, à quelques mètres de là, à l’air libre. A côté, une jeune femme s’active, à l’aide du malaxeur, à préparer le foufou dans une autre marmite, aussi grosse que la première. Elle remplit le Thermos bleu posé à ses pieds avec des boules de foufou tirées de la casserole. 

Ce « restaurant » existe ici depuis 8 ans. Le propriétaire, un homme de 35 ans, dit l’avoir ouvert en 2011. Il a été employé quelques années plus tôt par une patronne, avant de décider de travailler pour son propre compte. Et bien lui en a pris car ça marche. «Le dimanche, j’abats 2 à 3 chiens. Il n’y a pas d’invendus. J’écoule tout. C’est en semaine que j’abats un seul chien. Chez moi, il n’y a pas de jour sans viande de chien», confie Bertin. Ce dernier affirme que ses clients ne sont pas que Kasaïens ; bien d’autres tribus de la RDC en mangent depuis qu’elles y ont goûté. Tout en parlant, il montre du doigt deux jeunes gens assis à une table. « Ces deux-là ne sont pas des Kasaïens, ils viennent presque tous les jours », confie-t-il. Un morceau coûte 1000 FC soit 0.6 dollar. 

Tuer un chien à chaque fête d’anniversaire   

Selon Bertin, certains originaires de l’ex-province de l’Equateur consommeraient plus de viande de chien actuellement que les Luba du Kasaï. A Pakadjuma, au quartier Kingabwa dans la commune de Limete, où ils sont nombreux, « on trouve au même endroit quatre restaurants servant du chien… », affirme-t-il. Manger du chien est entré dans les habitudes alimentaires de certains Kinois. Nombreux ne s’en passent plus et ne s’en cachent pas non plus.

Dans la plupart de ces « restaurants », les clients mangent en plein air. « Je préfère manger le chien que manger la chèvre. Manger la viande de chien n’est pas un tabou. Chez nous, mes grands-parents, parents, et mes frères et sœurs mangeaient du chien. Tous mes camarades de l’Université savent que je mange le chien. En plus, la viande de chien a une bien meilleure saveur », affirme Augustin, un avocat de 39 ans. « Par semaine j’en mange deux ou trois fois. A chaque anniversaire de ma naissance, j’abats un chien chez moi. Au-delà de sa méchanceté, le chien, dans l’assiette a un très bon goût », dit-il en rigolant.

L’avocat dit avoir fait manger le chien à un de ses amis Tetela. « Chez eux il n’en mangeait pas. Un jour, il est venu me voir. J’étais à table. Je lui ai dit qu’on a préparé du chien. Il constate que ça présente bien. La suite de l’histoire ? Mon ami est devenu plus fan, plus accroc que moi ! », confie-t-il. Avec Augustin, les exemples des non Luba qui mangent le chien sont légion. « Dans la parcelle où je loue, mon voisin est Ouest africain. Chaque fois que j’achète pour ma maison, je fais de même pour lui. La vérité, il est devenu un très gros consommateur de viande de chien », raconte l’avocat. 

Grève de faim 

Delphin est venu avec quatre copains pour manger. A cinq, ils ont attaqué et descendu une montagne de foufou fumant. « Dans la semaine je n’ai pas le temps, boulot oblige. Le dimanche, on s’appelle entre copains et nous venons manger », dit-il. « Le chien, c’est comme la chèvre, la vache. Il y a des gens qui mangent la tortue, le chat, le serpent… Je n’y vois aucun problème. D’ailleurs pour moi, entre la viande de bœuf, chèvre et chien, le choix est clair. C’est un morceau de chien », déclare-t-il, l’air très sérieux. Il raconte qu’il y a des jours où, à la maison, son père menaçait de faire la grève de la faim si on ne lui préparait pas la viande de chien. « J’ai un oncle qui lui, abat un chien à chaque fête de Pâque, Noël et Nouvel An. Le chien, c’est comme tous les autres animaux », confie Delphin, cadre dans une entreprise de la place.  

Ce dimanche, l’ambiance était celle d’une fête. Pendant que les autres mangent, ceux qui ont fini se trémoussent un peu avant de partir, au son de la musique folklorique kasaïenne, les Bayuda du Congo. A Kinshasa, le chien est vendu à plusieurs endroits. Chacune des 24 communes de la capitale a ses coins où on prépare et on mange le chien.

Mathieu Koto

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