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Sylvestre Ilunga Ilunkamba : des travaux d’Hercule l’attendent

72 ans. Docteur en sciences économiques. Professeur à l’Université de Kinshasa depuis de nombreuses années. Plusieurs fois conseiller dans des cabinets ministériels et à la Présidence de la République et ministre sous Mobutu. Jusqu’il y a deux mois, Directeur général de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC). Auparavant, secrétaire exécutif du Comité de pilotage de la réforme des entreprises du portefeuille de l’Etat (Copirep). Ainsi peut-on présenter à grands traits Sylvestre Ilunga Ilunkamba.

Depuis le 20 mai dernier, il a été nommé Premier ministre par le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. L’homme n’est donc pas un homo novus au sens strict de la scène politique congolaise. C’est un vieux routier des arcanes de la gestion de la res publica. Technocrate, il l’est. Politique ? Sans doute pour avoir côtoyé, depuis des lustres, le monde politique congolais sans toutefois être un politicien de terrain dans le sens congolais du terme. Certes, on dit de lui qu’il est membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), mais on ne saurait le cataloguer comme un militant sectaire. Lui, est plutôt du genre « ouvert », discret et donc pas exubérant. Ses déclarations sont plutôt rares pour ne pas dire rarissimes. 

C’est donc cet homme que l’on dit « pondéré », « très méticuleux » qui est chargé de mettre en œuvre la politique du Président de la République issu de la première alternance démocratique au sommet de l’Etat congolais. Que des défis ! Des travaux d’Hercule en perspective pour cet universitaire rompu aux questions économiques, mais qui devra intégrer bien d’autres préoccupations des Congolais. En effet, le Premier ministre – chef du gouvernement s’occupe de tous les secteurs de la vie nationale. Il est au centre de l’activité de l’exécutif national dont il coordonne l’action. C’est aussi lui qui répond de cette action devant le parlement. 

Sylvestre Ilunga Ilunkamba est donc attendu aussi bien dans les domaines politique, économique, social que de la sécurité. Il lui faudra plus que son expertise d’économiste pour satisfaire les nombreuses et multiples attentes des Congolais.

La maladie à virus Ebola ne donne aucun répit aux personnels de Santé de l’Est de la RDC

Insécurité et Ebola : défis majeurs 

Aussitôt investi par l’Assemblée nationale, le Gouvernement Sylvestre Ilunga devra s’attaquer rapidement à la priorité nationale qu’est l’insécurité particulièrement dans l’est du pays doublée de l’épidémie de la maladie à virus Ebola. Des morts tous les jours dans des attaques des rebelles ougandais des ADF en territoire de Beni. Des attaques répétées des forces dites négatives nationales et étrangères. Des groupes armés nationaux très actifs causent désolation parmi les populations, qui sont contraintes de fuir par centaines de milliers leurs terres. Des assassinats ciblés, des kidnappings doublés de demande de rançons, des viols et autres exactions sont le lot quotidien des populations de Goma et des différents territoires du Nord-Kivu. Comble de malheur, c’est aussi dans cette partie du pays et dans la province voisine de l’Ituri que la maladie à virus Ebola fait des ravages depuis le mois d’août de l’année dernière. 

En une année, 2501 cas probables et confirmés ont été recensés et 1668 décès ont été dénombrés. Le 1er juillet dernier, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a déclaré le virus Ebola en RDC « une urgence de santé publique de portée mondiale », ce qui a conduit le Président de la République à mettre en place, sous sa supervision directe, un secrétariat technique chargé de gérer la lutte contre cette épidémie. 

C’est donc la mobilisation générale qui se met en place, ce qui devrait contraindre le Premier ministre à faire d’Ebola et de la lutte contre l’insécurité dans l’est du pays la priorité des priorités de son gouvernement. Les populations de l’est du pays en ont assez de la langue de bois, de promesses non tenues. Elles ont l’impression que Kinshasa ne prend pas toute la mesure du drame qu’elles vivent au quotidien. Des villages incendiés, des jeunes garçons et filles emmenés de force, des hommes égorgés, des femmes et filles parfois de moins de 10 ans violées, des bétails emportés…Ce sont là des faits qui ne devraient pas laisser indifférent le Premier ministre.

Des morts sont dénombrés tous les jours à l’Est de la RDC

Pas de trêve sociale

Dès l’entrée en fonction de son gouvernement, Sylvestre Ilunga Ilunkamba sera en outre confronté aux questions sociales nombreuses et variées : fonctionnaires de l’Etat, médecins, professeurs d’universités et des établissements d’enseignement supérieur, médecins, infirmiers, enseignants du primaire et secondaire n’attendent que le moment venu pour sortir des tiroirs les revendications sociales maintes fois exprimées mais jamais satisfaites. 

La bataille pour le relèvement du pouvoir d’achat de salaires jugés modiques pour ne pas dire insignifiants des agents de l’Etat sera rude. Face aux moyens dits limités de l’Etat, il faudra au Premier ministre toute sa science de la conciliation pour convaincre les uns et les autres à patienter en attendant des jours meilleurs. Mais, il lui faudra donner des gages de bonne foi, effectuer des gestes significatifs, pour calmer la fronde qui ne manquera pas de se manifester. 

Des agents de plusieurs entreprises ou établissements publics en difficultés accumulant plusieurs mois voire même plusieurs années d’arriérés de salaires impayés vont également s’en remettre au Premier ministre pour trouver solution à leurs problèmes, même si ces entreprises ou établissements publics sont des entités autonomes, distinctes de l’Etat. Lui qui a piloté la réforme des entreprises du portefeuille de l’Etat sait sans doute où se trouve la solution. 

Collectif budgétaire ?

Pour satisfaire les revendications légitimes des agents de l’Etat, il faudra trouver des moyens importants que le budget de l’Etat de l’exercice 2019 ne saurait supporter. A moins d’attendre d’avoir son propre budget pour 2020, le Premier ministre pourrait, être obligé de soumettre au Parlement un projet de collectif budgétaire, avec de nouvelles assignations aux régies financières. Il devra tout faire pour resserrer les vannes et réduire autant que faire se peut le coulage des recettes. Les milliards de dollars qui échappent au trésor public devraient y retourner. L’ancien conseiller spécial du Président Kabila pour la lutte contre la corruption parlait d’au moins 15 milliards de dollars qui s’évaporaient chaque année alors que le budget de l’Etat n’allait pas au-delà de 7 milliards.  

Le nouveau Président de la République annonçait dans son programme,  un minimum de 15 milliards de dollars comme budget annuel de l’Etat. C’est dire l’immensité de la tâche. Un collectif budgétaire est d’autant plus impérieux que les dépenses de l’Etat ont explosé, rendant le budget initial de 2019 totalement dépassé. Le collectif budgétaire pourrait prendre en compte les dépenses liées aux promesses du Président de la République, notamment son programme dit de 100 jours et d’autres impératifs constatés ces six derniers mois. 

Il faudrait ainsi trouver un peu plus de 110 millions de dollars chaque année pour assurer la gratuité de l’enseignement primaire, en dotant plus de 50 000 écoles publiques et conventionnées du pays des frais de fonctionnement afin de mettre fin à la prise en charge des enseignants par les parents d’élèves.

Outre l’enseignement, le Premier ministre est aussi attendu sur les questions liées à l’approvisionnement en eau et en électricité. Les carences dans ces domaines sont considérables, au point que la Regideso et la Société Nationale d’Electricité sont les entreprises publiques les plus impopulaires. Les Kinois, et pas qu’eux, sont obligés dans de nombreux quartiers de se réveiller la nuit pour stocker de l’eau qui ne commence à couler des robinets qu’au-delà de minuit. Quant à l’électricité, elle est distribuée si parcimonieusement que les Congolais ont l’impression que le grand barrage d’Inga n’est qu’un mirage ou ne se trouve pas dans leur pays.

A côté de la lutte contre l’insécurité non seulement dans l’est du pays mais également dans les villes avec les bandes de jeunes appelés kulunas, il y a le problème des infrastructures routières, de l’assainissement, de l’hygiène et santé publique, de l’urbanisation et de l’habitat. 

Autant de défis qui s’imposent au Premier ministre et à l’équipe qui lui sera commise. Il n’y aura pas de répit, pas de trêve. Les Congolais ont attendu trop longtemps. Ils veulent des actes concrets. Le temps des promesses étant révolu, Sylvestre Ilunga Ilunkamba devra se montrer à la hauteur des attentes légitimes de ses compatriotes. Il le sait. Le temps pris entre sa nomination comme Premier ministre et la formation de son gouvernement lui aura permis de bien prendre acte des desiderata de la population. 

N’tombo Lukuti

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